connaissance théorique

Dans l’ouverture et l’explication de l’être, l’étant est toujours pré-et co-thématique, tandis que c’est l’être qui constitue le thème proprement dit. Dans le champ de la présente analyse, est pris pour étant pré-thématique celui qui se montre dans la préoccupation (Besorgen) au sein du monde ambiant. Cet étant n’est alors nullement l’objet d’une connaissance théorique du « monde », il est ce dont on se sert, qu’on produit, etc. Faisant ainsi encontre, cet étant vient pré-thématiquement sous le regard d’un « connaître », qui, en tant que phénoménologique, considère primairement l’être, et ne co-thématise ce qui est à chaque fois étant qu’à partir de cette thématisation de l’être. Cet expliciter phénoménologique n’est donc pas une connaissance de propriétés étantes de l’étant, mais une détermination des structures de son être. Cependant, en tant que recherche de l’être, il devient un accomplissement autonome et exprès de la compréhension d’être qui appartient toujours déjà au Dasein et qui est « vivante » dans tout usage de l’étant. L’étant phénoménologiquement pré-thématique – donc ici l’étant utilisé, en train d’être produit, etc. – ne devient accessible qu’à condition de se transporter dans une telle préoccupation (Besorgen). Et encore, cette expression « se transporter » est-elle à la rigueur trompeuse ; car nous n’avons même pas besoin de nous placer dans ce mode d’être de l’usage préoccupé. Le Dasein quotidien (alltäglich) est toujours déjà dans cette guise, par exemple : ouvrant la porte, je fais usage du loquet. L’obtention de l’accès phénoménologique à l’étant qui fait ainsi encontre consiste plutôt à refouler (abdrängen) les tendances explicitatives qui, accompagnant la « préoccupation (Besorgen) » et s’imposant à elle, ne cessent de recouvrir en général ce phénomène et du même coup, l’étant tel que de lui-même il fait encontre dans la préoccupation (Besorgen) et pour elle. Ce danger de méprise apparaîtra tout à fait clairement si nous engageons notre recherche par cette question explicite : quel est l’étant qui doit devenir pré-thème, qui doit être pris pour sol préphénoménal ? EtreTemps15

Le comportement « pratique », n’est pas « athéorétique » au sens d’une absence de vision, et sa différence avec le comportement théorique ne consiste pas seulement en ce que l’on considère dans un cas et agit dans l’autre, ou en ce que l’agir, pour ne pas rester aveugle, applique de la connaissance théorique : au contraire le considérer est tout aussi originellement un se-préoccuper que l’agir a sa vue propre. Le comportement théorique est cette vue qui cesse d’être circon-specte pour aviser sans plus. Mais l’avisement, quoique non circon-spect, n’est pas pour autant dépourvu de règles, puisqu’il élabore son canon sous la forme de la méthode. EtreTemps15

Ce serait totalement méconnaître en son contenu phénoménal ce que la tonalité ouvre, et comment, que de vouloir rapprocher de ce qui est ainsi ouvert ce que le Dasein in-toné connaît, sait ou croit « en même temps ». Même lorsque le Dasein, dans la foi, est « sûr » de (136) sa « destination », ou croit tenir de lumières rationnelles un savoir de son origine, ces certitudes ne changent rien au fait phénoménal que la tonalité met le Dasein devant le « que » de son Là où celui-ci lui fait face en son inexorable énigme. Du point de vue ontologico-existential, il n’y a pas le moindre motif de réduire l’« évidence » de l’affection en la mesurant à la certitude apodictique d’une connaissance théorique du pur sous-la-main. Quant à la falsification des phénomènes qui s’applique à les rejeter dans la région de l’irrationnel, elle n’est en rien moins grave. L’irrationalisme, simple contre-jeu du rationalisme, ne fait que parler en borgne de ce à quoi celui-ci est aveugle. EtreTemps29

De quelle manière l’être quotidien (alltäglich) pour la mort comprend la certitude ainsi fondée, c’est ce qui se trahit lorsqu’il tente de « penser » avec une prudence critique – c’est-à-dire adéquatement – sur la mort. Tous les hommes, autant que l’on sache, « meurent ». La mort est pour tout homme au plus haut degré vraisemblable, mais pourtant pas « inconditionnellement » certaine. En toute rigueur, il n’est permis d’attribuer à la mort « qu’ » une certitude empirique. Elle reste nécessairement en deçà de la certitude la plus haute, de la certitude apodictique que nous atteignons dans certains domaines de la connaissance théorique. EtreTemps52

L’interprétation temporelle du Dasein quotidien (alltäglich) doit prendre pour point de départ les structures où se constitue l’ouverture, à savoir : le comprendre, l’affection, l’échéance et le (335) parler. Les modes de temporalisation de la temporalité à libérer par rapport à ces phénomènes livrent le sol sur lequel déterminer la temporalité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Ce qui ramène de façon nouvelle au phénomène du monde et permet une délimitation de la problématique spécifiquement temporelle de la mondanéité (Weltlichkeit). Cette problématique doit nécessairement se confirmer grâce à la caractérisation de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) quotidien (alltäglich) prochain, à savoir la préoccupation (Besorgen) échéante-circon-specte. La temporalité de celle-ci rend possible la modification de la circon-spection en accueil a-visant, ainsi qu’en la connaissance théorique qui s’y fonde. La temporalité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) qui se dégage sous cette figure se manifeste en même temps comme le fondement de la spatialité spécifique du Dasein. La constitution temporelle de l’é-loignement (Entfernung) et de l’orientation doit être mise en évidence. Le tout de ces analyses dévoile une possibilité de temporalisation de la temporalité où se fonde ontologiquement l’inauthenticité du Dasein, et conduit à la question de savoir comment doit être compris le caractère temporel de la quotidienneté (Alltäglichkeit), le sens temporel de ce « de prime abord et le plus souvent » dont il a été fait jusqu’ici un constant usage. La fixation de ce problème met en évidence que et dans quelle mesure la clarification jusqu’ici atteinte du phénomène est insuffisante. EtreTemps67

L’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) s’en tient de prime abord au mode de l’avoir-à-faire circon-spect avec l’à-portée-de-la-main. Par suite, elle s’attache à la possibilité temporalo-existentiale de la modification de la préoccupation (Besorgen) circon-specte en découverte « sans plus » a-visante de l’étant intramondain au sens de certaines possibilités de la recherche scientifique. L’interprétation de la temporalité de l’être circon-spect, aussi bien que de l’être théoriquement préoccupé auprès de l’à-portée-de-la-main et du sous-la-main intramondain montre en même temps comment cette même temporalité est d’emblée déjà la condition de posspossibilité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) où se fonde en général l’être-auprès de l’étant intramondain. L’analyse thématique de la constitution temporelle de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) conduit aux questions suivantes : de quelle manière quelque chose comme le monde est-il en général possible, en quel sens le monde est-il, qu’est-ce que le monde transcende, et comment, comment l’étant intramondain « indépendant » est-il « lié » au monde transcendant ? L’exposition ontologique de ces questions n’équivaut pas encore à leur solution. En revanche, elle apporte la clarification d’emblée nécessaire des structures par rapport auxquelles le problème de la (352) transcendance demande d’être posé. L’interprétation temporalo-existentiale de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) considère les trois points suivants : a) la temporalité de la préoccupation (Besorgen) circon-specte ; b) le sens temporel de la modification de la préoccupation (Besorgen) circon-specte en connaissance théorique du sous-la-main intramondain ; c) le problème temporel de la transcendance du monde. EtreTemps69