concept de sens

Dans le projet du comprendre, de l’étant est ouvert en sa possibilité. Le caractère de possibilité correspond à chaque fois au mode d’être de l’étant compris. L’étant intramondain en général est projeté vers le monde, c’est-à-dire vers un tout de significativité [Bedeutsamkeit], dans les rapports de renvoi de laquelle la préoccupation [Besorgen] comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] s’est d’entrée de jeu fixée. Lorsque de l’étant intramondain est découvert avec l’être du Dasein, autrement dit lorsqu’il est venu à compréhension, nous disons qu’il a du sens. Cependant, ce qui est compris, ce n’est pas en toute rigueur le sens, mais l’étant – ou l’être. Le sens est ce en quoi la compréhensibilité de quelque chose se tient. Ce qui est articulable dans l’ouvrir compréhensif, nous l’appelons le sens. Le concept de sens embrasse la structure formelle de ce qui appartient nécessairement à ce que l’explicitation compréhensive articule. Le sens est le vers-quoi, tel que structuré par la pré-acquisition, la pré-vision [Vor-sicht] et l’anti-cipation, du projet à partir duquel quelque chose devient compréhensible comme quelque chose. Dans la mesure où comprendre et explicitation forment la constitution existentiale de l’être du Là, le sens doit être conçu comme la structure formelle-existentiale de l’ouverture qui appartient au comprendre. Le sens est un existential du Dasein, non pas une propriété qui s’attache à l’étant, est « derrière » lui ou flotte quelque part comme « règne intermédiaire ». De sens, le Dasein n’en « a » que pour autant que l’ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] est « remplissable » par l’étant découvrable en elle. Seul le Dasein, par suite, peut être sensé ou in-sensé. Ce qui veut dire que son être propre et l’étant ouvert avec lui peut être approprié dans la compréhension ou rester interdit à l’in-compréhension. EtreTemps32

La théorie du « jugement » qui s’oriente aujourd’hui de manière prépondérante sur le phénomène de la « validité » n’appelle pas ici de discussion détaillée. Qu’il nous suffise de souligner le caractère hautement problématique de ce phénomène de la « validité », qu’il est courant depuis Lotze de présenter comme un « phénomène originaire » irréductible. En fait, il ne doit de jouer un si grand rôle qu’à son obscurité ontologique, la « problématique » qui s’est développée autour de cette idole verbale n’étant guère plus claire. La validité, en effet, [156] désigne d’une part la « forme » d’effectivité qui revient à la teneur du jugement pour autant qu’elle subsiste immuable par opposition au processus « psychique », donc muable, de la judication. Si l’on considère l’état de la question de l’être tel qu’il a été caractérisé dans l’introduction à ce livre, on ne s’attendra guère à voir la « validité » en tant qu’« être idéal » briller d’une clarté ontologique particulière. D’autre part, la validité désigne en même temps la validité du sens judicatif valide de l’« objet » visé dans le jugement, et rejoint ainsi le sens de « validité objective » et d’objectivité en général. Enfin, ce sens qui « vaut » ainsi de l’étant et qui vaut en lui-même « intemporellement » « vaut » une fois encore au sens d’un valoir pour tout sujet jugeant rationnellement. La validité signifie donc maintenant le caractère obligatoire, l’« universalité ». Que l’on professe en plus une théorie « critique » de la connaissance, suivant laquelle le sujet ne « déborde » pas « véritablement » jusqu’à l’objet, et alors la validité prise au sens de validité d’objet, d’objectivité se trouvera fondée sur la réalité valide du sens vrai (!). Ces trois significations du « valoir » – manière d’être de l’idéal, objectivité, force obligatoire – ne sont pas seulement opaques en elles-mêmes, mais encore elles ne cessent d’aggraver mutuellement leur confusion. La prudence méthodique exige par conséquent de s’abstenir de prendre ce genre de concepts miroitants pour fil conducteur d’une interprétation. Bien loin de restreindre d’abord le concept de sens à la signification de « teneur du jugement », nous le comprenons comme le phénomène existential – plus haut caractérisé – où devient en général visible la structure formelle de l’étant ouvrable dans le comprendre et articulable dans l’explicitation. EtreTemps33