chose-corps

Dans l’usage circon-spect de l’instrument, nous pouvons dire : le marteau est trop lourd, ou trop léger. Même la phrase : le marteau est lourd, peut donner son expression à une réflexion préoccupée et signifier : il n’est pas léger, c’est-à-dire que sa prise en main exige de la force, qu’il rendra le maniement plus difficile. Seulement, la phrase peut aussi vouloir dire : [361] l’étant présent, que nous connaissons déjà circon-spectivement comme marteau, a un poids, c’est-à-dire la « propriété » de la gravité ; il exerce une pression sur son support ; que celui-ci soit éloigné, et il tombe. Le parler ainsi compris n’est plus parlé dans l’horizon du conserver attentif d’une totalité d’outils et de ses rapports de tournure [Bewandtnis]. Le dit est puisé dans un regard sur ce qui appartient à un étant « doué de masse » en tant que tel. Ce qui est désormais pris en vue n’échoit plus au marteau comme instrument, mais comme chose-corps soumise à la loi de la pesanteur. Le parler circon-spect qui dit « trop lourd » ou « trop léger » n’a maintenant plus aucun « sens », c’est-à-dire que l’étant qui fait maintenant encontre n’offre plus rien en lui-même par rapport à quoi il pourrait être « trouvé » trop lourd ou trop léger. EtreTemps69

Il convient donc de s’enquérir ontologico-existentialement des conditions temporelles de possibilité de la spatialité propre au Dasein, qui, à son tour, fonde la découverte de l’espace intramondain. Tout d’abord, nous devons rappeler en quelle guise le Dasein est spatial. Spatial, le Dasein ne pourra l’être qu’en tant que souci, au sens de l’exister facticement échéant. Négativement, cela signifie : le Dasein n’est jamais – ni jamais de prime abord – [368] sous-la-main dans l’espace. Il ne remplit pas, comme une chou ou un outil [Zeug] réel, une portion d’espace, de telle manière que sa limite par rapport à l’espace qui l’entoure ne soit elle-même qu’une détermination spatiale de l’espace. Le Dasein occupe – au sens littéral du terme – de l’espace. Il n’est en aucune manière seulement sous-la-main dans la portion d’espace que le corps propre occupe. Existant, il s’est à chaque fois déjà aménagé un espace de jeu. À chaque fois, il détermine son lieu propre de telle manière qu’il revient à partir de l’espace aménagé vers la « place » qu’il a prise. Pour pouvoir dire que le Dasein est sous-la-main à un emplacement de l’espace, nous devons d’abord nécessairement envisager cet étant de manière ontologiquement inadéquate. La différence entre la « spatialité » d’une chose étendue et celle du Dasein ne consiste pas non plus en ce que celui-ci a un savoir de l’espace ; car l’occupation d’espace est si peu identique à un « représenter » du spatial que celui-ci présuppose au contraire celle-là. La spatialité du Dasein ne saurait non plus être explicitée comme une imperfection attachée à l’existence sur la base de la fatale « liaison de l’esprit avec un corps ». Bien plutôt est-ce, et est-ce seulement parce que le Dasein est « spirituel » qu’il peut être spatial selon une guise qui demeure essentiellement impossible à une chose-corps étendue. EtreTemps70