Chassard (1988:13-16) – questão fundamental e questão diretora

destaque

Heidegger, clarificando ainda mais as questões, passa então a renomeá-las. À tradicional questão principal da filosofia, aquela que pergunta pelo Ser, chama Leit-frage, a questão orientadora que, segundo ele, é apenas a penúltima questão, a vorletzte Frage, ou seja, a segunda questão. A nova questão, a questão esquecida, aquela sobre o próprio Ser, ele chama não mais a Vor-Frage, a pré-pergunta, mas a Grund-frage, (15) a questão fundamental, porque através dela, diz ele, “a filosofia questiona o fundamento do Ser como Grande e ao mesmo tempo seu próprio fundamento” (N I). Este fundamento do Ser é o Ser e este Ser a ser questionado, que segundo Heidegger não é nem Deus nem um fundamento do mundo, é, no entanto, aquilo em que o Ser assenta. “Das Sein ist der Grand des Seienden”. E é por isso que, para Heidegger, esta questão pode ser chamada a questão fundamental, a Grund-frage, a questão do fundamento: “Was ist das Sein?”, a questão do Ser que é este fundamento do Ser.

original

En sa formulation leibnizienne, la question fondamentale de la métaphysique: “Pourquoi il y a-t-il de l’étant plutôt que du néant?”, question non fondamentale qui contient en elle-même toute une métaphysique et, déjà présente au commencement de la métaphysique chez Platon et chez Aristote, n’a de sens que dans une conception sommairement finaliste du monde, Heidegger la fait précéder d’une Vor-Frage, d’une pré-question qui y serait impliquée, de la vraie question fondamentale qui devrait permettre de définir le sens du mot Être, sens oublié, dit-il, Être oublié au profit de l’Étant. Jusqu’ici, en effet, affirme Heidegger, la pensée métaphysique n’a pensé constamment que l’étant; elle n’a jamais pensé l’Être; de sorte que la pensée de l’Être n’a toujours été qu’une question portant sur l’Étant. Depuis toujours également, poursuit-il, l’Être a été pris pour l’Étant et l’Étant pour l’Être, d’où une étrange confusion, demeurée jusqu’ici impensée, de l’Être et de l’Étant dont l’ajointement ou la pliure n’ont jamais été aperçus. La métaphysique reconnaît bien que l’Étant n’est pas sans être, mais elle transforme aussitôt cet être en un étant, soit comme Étant suprême au sens de cause première créatrice, soit comme sujet de la subjectivité en tant que condition de possibilité de toute objectivité, soit comme Étant absolu au sens de subjectivité inconditionnée. Nulle part, d’après Heidegger, n’est donc appréhendé justement l’Être. Platon transforme l’Être en idea et koinonia des Idées; (14) Aristote dit l’Être comme energeia. Le premier entame et le second réalise la distinction de l’Être, de l’ennai, en essence et en existence, en possibilité et en réalité. “Même là, dit Heidegger, où la pensée pré-platonicienne prépare, en tant que début initial de la pensée occidentale, le déploiement de la métaphysique par Platon et Aristote, même là l’Être n’est pas pensé” (NWG).

Ainsi, comme nous avons accompli le meurtre de Dieu, selon le dire de Nietzsche, nous accomplissons en permanence, depuis l’origine de la pensée philosophique, le meurtre de l’Être, selon le dire de Heidegger. La première mise à mort était comprise comme l’élimination de tout le Supra-sensible, cet Au-delà du sensible, Être, Vérité et Valeur suprêmes tout à la fois; la seconde est à comprendre comme le délaissement de l’Être, cet Autre de l’Étant.

Cette non-pensée de l’Être, comme omission et carence, comme négligence et échec, comme meurtre et parricide, n’a peut-être été qu’une incapacité à penser ce qui est le plus important à penser de tout ce qui est à penser (WhD). Mais il en résulte, pour Heidegger, ce défaut réhédibitoire qui entache la métaphysique traditionnelle: en ne pensant que l’Étant et en ne pensant pas l’Être, elle n’a pas été assez métaphysique. Elle serait même restée essentiellement une “physique” (EM). La question du sens de l’Être, qui par conséquent non seulement a été sans réponse mais a toujours été sans questionnement véritable, est pourtant la question préalable à toutes les questions métaphysiques. Le questionnement philosophique doit interroger l’Étant quant à son être, non l’Étant en tant que tel: “Qu’en est-il de l’Être”, telle est, au temps de Sein und Zeit, la question à poser pour ne plus méditer que sur l’Être 1.

Heidegger, précisant davantage les questions, procède ensuite à leur renomination. La question principale traditionnelle de la philosophie, celle qui s’interroge sur l’Étant, il la nomme la Leit-frage, la question directrice qui, dit-il, n’est que l’avant-dernière question, la vorletzte Frage, c’est-à-dire la deuxième question. La question nouvelle, la question oubliée, celle qui porte sur l’Être lui-même, il la nomme, non plus la Vor-Frage, la pré-question, mais la Grund-frage, (15) la question fondamentale car par elle, dit-il, “la philosophie interroge le fondement de l’Étant comme Grand et en même temps son propre fondement” (N I). Ce fondement de l’Étant, c’est l’Être et cet Être à questionner, qui ne serait d’après Heidegger ni Dieu ni un fondement du monde, est cependant ce sur quoi repose l’Étant. “Das Sein ist der Grand des Seienden”. Et c’est pourquoi, pour Heidegger, cette question peut se dire la question fondamentale, la Grund-frage, la question du fondement: “Was ist das Sein?”, la question de l’Être qui est ce fondement de l’Étant 2. Cette renomination heideggerienne en question fondamentale et en question directrice, en Grandfrage et en Leitfrage, subit un affinement plus poussé quand elle aboutit à une série dégressive de trois questions. La question du fondement, la première de toutes les questions, précède les deux autres questions. Il y a, en effet, en tout premier lieu, non pas la question de l’être de l’Étant qui n’est, dira plus tard Heidegger (BH), que la Seinsfrage, mais celle de l’Être en tant qu’Être c’est-à-dire celle de l’Être lui-même, die Frage nach dem Sein. La métaphysique, affirme-t-il, ne pense pas l’Être lui-même. Elle ne pense l’Être qu’à partir de l’Étant, mais non l’Être en tant qu’Être (N II) alors qu’il convient de penser l’Être en tant qu’Être et non à partir de l’Étant. Il faut penser l’Être “sans égard à la relation de l’Être à l’Étant” (ZS), l’Être en tant qu’Être. Il faut “penser l’Être sans l’Étant” (ZS), “ce qui veut dire: ne plus expliquer l’Être par quelque chose qui est” (SvG). Cette question de l’Être, de l’Être en son essence, de l’Être en tant que tel qui ne serait plus pensé en référence à l’Étant, réclame et traduit donc un certain détachemént de l’Étant, un dépassement des étants qui laisse la préséance à l’Être.

La pensée heideggerienne, en effet, se veut d’abandonner l’Étant pour ne plus penser que l’Être, pour ne plus se consacrer qu’au sens de l’Être. Heidegger réunit ainsi les conditions d’une échappée de sa pensée vers la pure irréalité, vers l’au-delà des nuées de la métaphysique. Cette dernière, qui cesse avec Heidegger d’être une mauvaise métaphysique, une métaphysique dévoyée, en tant que “physique” de l’Étant, va donc pouvoir dévenir réellement méta-physique; Elle saisit l’Être de l’Étant pour le penser seul en tant que tel, au prix d’une certaine distanciation de l’un par rapport à l’autre. Elle produit même plus qu’une simple coupure, tout en affirmant que l’un n’est pas sans l’autre, car elle institue entre eux une différence de nature fortement platonicienne. Elle situe l’Être “au-dessus de tout étant et de toute détermination ontique possible” (SZ). Ainsi l’Être de l’Étant, topiquement et essentiellement différent de l’Étant, devient assez rapidement quelque chose de tout autre et de plus haut que cet Étant. Par cette surélévation (hinausliegen), il prend le chemin de l’Être pur. “L’Être, dit Heidegger, est le Transcendant pur et simple” (SZ). Transcendant ontologique? Transcendant théologique? Heidegger, s’efforçant de se distancer de l’Étant en tant que tel, effectue une tripartition de la réalité qui est une gradation au moins séparative. Et cette gradation ressemble fort, sous certains aspects, à la gradation platonicienne qui, au-dessus du sensible, situait l’Être en tant que Supra-sensible et, au sommet de celui-ci, l’idea tou agatou, l’Idée du Bien, l’Idée des idées, l’Idée suprême, epékeina tes ousias, au-delà de l’Être, au-delà du topos noetos. Ainsi, Heidegger, dès le départ de sa réflexion, par cette hiérarchie proprement métaphysique, typiquement platonicienne, ne s’écarte-t-il pas démesurément de la métaphysique la plus voyante quand il se prépare à interroger l’Être.

  1. SZ: “Sofern das Sein das Gefragte ausmacht, und Sein besagt Sein von Seiendem, ergibt sich aïs das Befragte der Seinsfrage das Seiende selbst.” 1,2.[]
  2. ZS: “Das Sein eigens denken, verlangt, das Sein ais den Grand des Seienden fahren zu lassen zugunsten des im Entbergen verborgen spielenden Gebens, …”
    _ WD: “Aber das Sein ist der Grand des Seienden”.[]