Quant au second, nous le nommons par le mot “pro-duction” (Herstellung). Ce mot doit être compris dans un sens correspondant à “installation”. Autrement dit : l’oeuvre, en son se-tenir-en-soi, est elle-même productrice. Ordinairement, nous parlons de “production” à propos d’une oeuvre d’art lorsque nous voulons dire qu’elle est produite, c’est-à-dire en l’occurrence apprêtée à partir de tel ou tel matériau, pierre, bois, métal, couleur, son, langue. Mais, de même que l’oeuvre requiert une installation – le geste de dresser qui consacre et glorifie – parce qu’en soi et selon son essence elle installe un monde, tout de même la production comme apprêtement à partir d’un “matériau” n’est-elle nécessaire que parce que l’oeuvre, en soi, explicitement ou non, est pro-ductrice. Seulement, la question ne fait alors que rebondir : que pro-duit l’oeuvre, et comment ? (Hw. 34). OOA1935: II
Dans l’essence de l’être-oeuvre comme disputation du litige se trouve le fondement de la nécessité du trait qui ouvre et en général du tracer, c’est-à-dire de ce que nous appelons la “forme” à laquelle est ensuite porté tout ce qui par rapport à elle devient “matériau”. Cependant, la formation artisanale du matériau, son apprêtement n’est rien d’indifférent, précisément parce que le produire est requis par l’essence du créer. Cet ouvragement du “matériau” a sa grandeur propre, qui consiste en ce que, dans l’oeuvre se-tenant-là, il fait silence sur la peine et le désespoir, mais aussi sur l’impétuosité et le plaisir qui lui sont propres ; en revanche le simple apprêtement ne saurait en aucun cas devenir par lui-même un création sous prétexte (par exemple) que le produit, à partir d’un certain degré de “qualité”, se transformerait en oeuvre d’art. Car ici encore est le saut. OOA1935: II