analytique ontologique

Mais dans la mesure où l’existence détermine le Dasein, l’analytique ontologique de cet étant a toujours déjà besoin d’une prise de perspective préalable sur l’existentialité. Or nous comprenons celle-ci comme la constitution d’être de l’étant qui existe. Mais dans l’idée d’une telle constitution d’être est déjà contenue l’idée d’être. Ainsi même la possibilité d’accomplissement de l’analytique du Dasein dépend de l’élaboration préalable de la question du sens de l’être en général. EtreTemps4

La mise en évidence du privilège ontico-ontologique de la question de l’être se fonde sur l’indication provisoire de la primauté ontico-ontologique du Dasein. Mais l’analyse de la structure de la question de l’être comme telle (§2) a rencontré une fonction insigne de cet étant à l’intérieur de la position de la question elle-même. Le Dasein s’est alors dévoilé comme l’étant qui doit d’abord être élaboré ontologiquement pour que le questionnement puisse accéder à la transparence. Mais maintenant il nous est apparu que c’était l’analytique ontologique du Dasein en général qui constituait l’ontologie-fondamentale, donc que le Dasein fonctionnait comme l’étant qui doit fondamentalement et préalablement être interrogé quant à son être. EtreTemps4

§5-. L’analytique ontologique du Dasein comme libération de l’horizon pour une interprétation du sens de l’être en général. EtreTemps5

Dans le cadre de l’exécution de cette tâche de la destruction au fil conducteur de la problématique de la temporalité, le présent essai tente d’interpréter le chapitre du « Schématisme », et, à partir de là, la doctrine kantienne du temps. En même temps, il montre (24) pourquoi il devait demeurer interdit à Kant de percer la problématique de la temporalité. Deux choses ont fait obstacle à cet aperçu : d’abord l’omission de la question de l’être en général et, corrélativement, le manque d’une ontologie thématique du Dasein, ou, en termes kantiens, d’une analytique ontologique préalable de la subjectivité du sujet. À la place de celle-ci, Kant se borne à reprendre dogmatiquement, quitte à lui imprimer des développements essentiels, la position de Descartes. Mais du coup, son analyse du temps, en dépit d’une reprise de ce phénomène dans le sujet, demeure orientée sur la compréhension traditionnelle et vulgaire du temps, ce qui empêche en dernière instance Kant d’élaborer le phénomène d’une « détermination temporelle transcendantale » en sa structure et sa fonction propres. Du fait de cette double influence de la tradition, la connexion essentielle entre le temps et le « je pense » reste enveloppée dans une totale obscurité, si tant est qu’elle soit même problématisée. EtreTemps6

(25) L’apparent re-commencement du philosopher se dévoile donc comme la greffe d’un préjugé fatal sur la base duquel l’époque postérieure devait négliger d’entreprendre une analytique ontologique thématique de l’« esprit » au fil conducteur de la question de l’être, et, en même temps, tout débat critique avec l’ontologie antique à elle transmise. EtreTemps6

Les deux caractères du Dasein qu’on a esquissés : la primauté de l’« existentia » sur l’essentia, la mienneté, indiquent déjà qu’une analytique de cet étant est convoquée devant une région phénoménale spécifique. Cet étant n’a pas, n’a jamais le mode d’être de l’étant qui est seulement sous-la-main à l’intérieur du monde. Par conséquent, il ne peut pas non plus être thématiquement prédonné à la façon dont on « trouve » un étant sous-la-main. Sa prédonation correcte va si peu de soi que la déterminer constitue déjà une pièce essentielle de l’analytique ontologique de cet étant. De l’accomplissement sûr de la prédonation convenable de cet étant dépend la possibilité de porter en général l’être de cet étant à la compréhension. Quelque provisoire que soit l’analyse, elle exige toujours déjà que le point de départ correct soit assuré. EtreTemps9

L’« être-auprès » du monde, au sens – encore à préciser – de l’identification au monde est un existential fondé dans l’être-à… Comme il y va dans ces analyses du discernement d’une structure d’être originelle du Dasein, dont la teneur phénoménale doit gouverner l’articulation des concepts d’être, et comme cette structure est foncièrement insaisissable à l’aide des catégories ontologiques traditionnelles, il convient donc de (55) considérer de plus près ce phénomène de l’« être-auprès ». Ce que nous ferons en le distinguant à nouveau d’un rapport d’être essentiellement autre ontologiquement c’est-à-dire, catégorial – que nous exprimons linguistiquement de la même manière. De telles différences ontologiques fondamentales, trop aisées à effacer, nous ne devons jamais hésiter à accomplir expressément l’évocation phénoménologique, fût-ce au risque d’élucider des « évidences ». L’état de l’analytique ontologique montre cependant que, bien loin d’avoir réussi à nous « emparer » assez solidement de ces évidences, nous n’en interprétons au contraire que rarement le sens d’être, et en possédons plus rarement encore des concepts structurels assurés et adéquats. EtreTemps12

(Cependant), dans le cadre présent d’une analytique existentiale du Dasein factice, la question s’élève de savoir si la guise citée de donation du Moi ouvre – à supposer qu’en général elle l’ouvre – le Dasein en sa quotidienneté (Alltäglichkeit). Est-il en effet « évident » a priori que l’accès au Dasein doive prendre la forme de cette réflexion purement accueillante qui réfléchit des actes sur le Moi ? Et si au contraire ce mode d’« autodonation » représentait pour l’analytique existentiale une séduction, certes fondée dans l’être du Dasein lui-même ? Peut-être le Dasein, dans son interpellation première de lui-même, dit-il toujours : c’est moi et le dit-il même le plus vigoureusement lorsqu’il « n’ » est « pas » cet étant ? Précisément : si la constitution du Dasein, selon laquelle il est toujours mien, était la raison même pour laquelle le Dasein, de prime abord et le plus souvent, n’est pas lui-même ? Si l’analytique existentiale, (116) en prenant le point de départ cité dans la donation du Moi, tombait pour ainsi dire dans les rets du Dasein et de l’interprétation immédiate de lui-même à laquelle lui-même cède ? S’il devait nous apparaître que l’horizon ontologique pour la détermination de l’étant accessible dans une pure et simple donation demeure foncièrement indéterminé ? Sans doute l’on peut toujours dire ontiquement avec une certaine légitimité de cet étant que « je » le suis. Et pourtant, l’analytique ontologique qui fait usage de tels énoncés doit les soumettre à des réserves fondamentales. Le « Moi » ne peut être compris qu’au sens d’une indication formelle non contraignante de quelque chose qui, pour peu qu’on le rétablisse dans le contexte phénoménal d’être où il prend place à chaque fois, est peut-être appelé à se dévoiler comme son « contraire ». Un « non-Moi », dans ce cas, ne signifiera pas un étant essentiellement dépourvu de l’« égoité », mais un mode déterminé de l’être du « Moi » lui-même – la perte de soi, par exemple. EtreTemps25