Notre première esquisse de l’être-à… (cf. §12 (EtreTemps12)) nous a amené à délimiter le Dasein par rapport à un mode d’être dans l’espace que nous appelons l’intériorité. Celle-ci signifie qu’un étant lui-même étendu est embrassé par les limites étendues d’un autre étant étendu. L’étant intérieur et l’étant embrassant sont tous deux sous-la-main dans l’espace. Et pourtant, l’exclusion d’une telle intériorité du Dasein dans un contenant spatial n’avait point pour intention d’exclure par principe toute spatialité du Dasein, mais seulement de garder la voie libre pour une aperception de la spatialité qui en est constitutive. Or c’est celle-ci que nous avons maintenant à établir. Cependant, comme l’étant intra-mondain est lui aussi dans l’espace, sa spatialité se trouvera dans une connexion ontologique avec le monde. Par conséquent, il faut déterminer en quel sens l’espace est un constituant du monde, lequel, de son côté, a été caractérisé comme moment structurel de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Spécialement, il convient de montrer comment l’ambiance du monde, la spatialité spécifique de l’étant qui fait encontre dans le monde ambiant est elle-même fondée par la mondanéité (Weltlichkeit) du monde, et non (102) pas à l’inverse le monde sous-la-main dans l’espace. Cette recherche sur la spatialité du Dasein et la déterminité (Bestimmtheit) spatiale du monde prendra son point de départ dans une analyse de l’étant à-portée-de-la-main de manière intramondaine dans l’espace. La méditation traversera trois étapes : 1. La spatialité de l’à-portée-de-la-main intramondain (§22 (EtreTemps22)) ; la spatialité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) (§23 (EtreTemps23)) ; 3. la spatialité du Dasein et l’espace (§24 (EtreTemps24)). EtreTemps21
Comment obtenir l’orientation du regard requise par l’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) ? Nous avons appelé l’être préoccupé auprès du « monde » l’usage dans et avec le monde ambiant (NA: Cf. supra, §15 (EtreTemps15), p. 66 sq.). Comme phénomènes exemplaires de l’être auprès…, nous avions choisi l’utilisation, le maniement, la production de l’à-portée-de-la-main et leurs modes déficients et indifférents, autrement dit l’être auprès de ce qui appartient au besoin quotidien (alltäglich) (NA: Cf. supra, §12 (EtreTemps12), p. 56 sq.). Même l’existence authentique du Dasein se tient en une telle préoccupation (Besorgen) – et cela même lorsque celle-ci lui demeure « indifférente ». Ce n’est point l’à-portée-de-la-main dont le Dasein se préoccupe qui cause la préoccupation (Besorgen), de telle manière que celle-ci ne prendrait naissance que sous l’influence de l’étant intramondain. Il n’est pas plus possible d’expliquer ontiquement l’être-auprès de l’à-portée-de-la-main à partir de celui-ci que de dériver inversement celui-ci à partir de celui-là. Toutefois, la préoccupation (Besorgen) en tant que mode d’être du Dasein et l’étant dont il se préoccupe en tant qu’à-portée-de-la-main intramondain ne sont pas non plus simplement ensemble sous-la-main, ce qui n’empêche qu’il existe entre eux une « connexion ». Le avec-quoi bien compris de l’usage jette sur l’usage préoccupé lui-même une lumière. Inversement, le manquement de la structure phénoménale de l’avec-quoi de l’usage a pour conséquence (Abfolge) une méconnaissance de la constitution existentiale de celui-ci. Certes, pour l’analyse de l’étant qui fait de prime abord encontre, cela représente un gain essentiel que de ne pas passer par-dessus le caractère spécifique d’outil (Zeug) de cet étant. Mais il est plus important encore de comprendre que l’usage préoccupé ne séjourne jamais auprès d’un outil (Zeug) isolé. L’utilisation, le maniement d’un outil (Zeug) déterminé demeure comme tel orienté sur un complexe d’outils. Supposons par exemple que nous cherchions un outil (Zeug) « égaré » : bien loin que la chose cherchée soit alors simplement ou primairement visée dans un « acte » isolé, c’est tout l’orbe du complexe d’outils qui est déjà pré-découvert. Tout « procéder », tout « s’emparer » ne se heurte pas de but en blanc à un outil (Zeug) prédonné isolément, mais il revient toujours du monde d’ouvrage à chaque fois déjà ouvert dans cet emparement vers un outil (Zeug) particulier. EtreTemps69