Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Jean-Louis Chrétien (2014) – esquecimento

segunda-feira 26 de junho de 2023

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Se há um primeiro esquecimento, o que ele produz é um imemorial absoluto: não um passado que, tendo estado presente e, portanto, já aberto e destinado à memória, teria subsequentemente se tornado inacessível nele ou para ele, mas um passado inicialmente passado e originalmente perdido, um passado antecipado e por essência roubado de toda memória futura, um passado simultâneo com sua própria passagem e roubo, sempre já passado, sempre já desaparecido, sendo apenas para ter desaparecido. Heidegger insiste com frequência no redobramento do esquecimento: para esquecer de verdade, esquecer não é suficiente, porque esquecer ao lembrar que esquecemos é apenas um modo de lembrar, precisamente aquele que nos permite redescobrir o que foi esquecido. O esquecimento consumado, mostra ele, é o esquecimento do esquecimento, o desaparecimento do próprio desaparecimento, onde a própria cobertura é coberta [Cf. GA7  :256-257]. Esse redobramento, esse segundo poder do esquecimento deve, na verdade, ser colocado como o primeiro: não é uma forma superior de esquecimento que sucede a outra por exponenciação, pois o esquecimento que não é esquecido constitui, ao contrário, uma primeira memória, uma primeira abertura para a superação do esquecimento. O mesmo se aplica à ignorância socrática: a ignorância que se ignora a si mesma não é uma ignorância excepcional, é a própria ignorância, enquanto o conhecimento de nossa ignorância é o primeiro conhecimento e o acesso a todo conhecimento. Se há um primeiro esquecimento, ele só pode ser este: o esquecimento que se esquece de si mesmo, que já se esqueceu de si mesmo, radicalmente inacessível, radicalmente inacessível, a própria perda perdida, a perda que não podemos nem mesmo reter como perda, a perda na qual nada falta e que não cava em nós nada que queiramos preencher.

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Y a-t-il un oubli premier ? La pensée peut-elle se tourner vers un oubli radical, qui ne présupposerait pas la mémoire, et ne consisterait pas à l’interrompre, l’ajourer ou la suspendre en l’un ou l’autre de ses pouvoirs ? Lorsque l’oubli ne fait qu’indisposer la mémoire, que cette indisposition soit durable ou fugitive, légère ou grave, il tire de la mémoire tout son sens et par essence se subordonne à elle, toujours second et secondaire. Il vient alors trop tard pour fonder et destiner. Peut-on commencer par l’oubli, avec l’oubli, dans l’oubli ? La seule possibilité d’un oubli initial semble contradictoire, voire absurde. Que pourraient signifier l’effacement de ce qui n’aurait pas été d’abord inscrit, fixé, gravé, l’oblitération de ce qui n’aurait pas été marqué et remarqué, le recouvrement de ce qui ne se serait pas découvert ? Commencer par l’oubli revient à commencer par la perte, et comment peut-on perdre ce qu’on n’a pas préalablement tenu, ce qu’on n’a pas d’abord été ? Si la perte est privation, elle présuppose, logiquement comme ontologiquement, ce dont elle prive. En ce sens, s’il est pensable de commencer par le vide et la vacance, comme les mystiques faisant de l’éternel éclair du Rien divin, pure illumination de l’abîme avant tout étant, l’origine absolue, il paraît absurde de mettre au commencement une privation, tardive par définition. De quoi l’oubli pourrait-il priver s’il commençait, et serait-il alors, encore ou déjà, proprement oubli ?

S’il y a un oubli premier, ce qu’il fait surgir est un immémorial absolu : non pas un passé qui, ayant été présent, et donc déjà ouvert et destiné à la mémoire, serait par la suite devenu inaccessible en elle ou pour elle, mais un passé initialement passé et originellement perdu, un passé par avance et par essence dérobé à toute mémoire future, un passé simultané à son propre passage et dérobement, toujours déjà passé, toujours déjà disparu, n’étant qu’à avoir disparu. Heidegger insiste souvent sur le redoublement de l’oubli : pour oublier vraiment, oublier ne suffit pas, car oublier en se souvenant qu’on a oublié n’est qu’un mode du souvenir, celui qui précisément nous permet de retrouver ce qui fut oublié. L’oubli accompli, montre-t-il, est oubli de l’oubli, disparition de la disparition même, où le couvert lui-même se couvre ((Cf. Vorträge und Aufsätze, pfullingen, 1978, p. 256–257, trad. Préau  , Essais et conférence, paris, 1958, p. 320.)). Ce redoublement, cette seconde puissance de l’oubli doit en vérité être posée comme première : elle n’est pas une plus haute forme d’oubli succédant à une autre par exponentiation, car l’oubli qui ne s’oublie pas constitue au contraire une première mémoire, une première ouverture pour surmonter l’oubli. Il en va de même que pour l’ignorance socratique : l’ignorance qui s’ignore elle-même n’est pas une ignorance exceptionnelle, c’est l’ignorance même, alors que le savoir de notre ignorance est le premier savoir, et l’accès à tout savoir. S’il y a un oubli premier, il ne peut être que tel : oubli s’oubliant, s’étant déjà et d’abord oublié, immémorial radical radicalement inaccessible, perte elle-même perdue, perte qu’on ne peut pas même retenir comme perte, perte où rien ne manque et qui ne creuse en nous rien que nous voulions combler.

[CHRÉTIEN, Jean-Louis. L’inoubliable et l’inespéré. Nouvelle éd. augmentée ed. Paris: Desclée de Brouwer, 2014]


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