À cette question, nous avons déjà apporté réponse, par la thèse : l’appel ne « dit » rien qui serait à discuter, il ne donne aucune connaissance sur des événements. L’appel pro-voque le Dasein vers son pouvoir-être, et cela en tant qu’appel venu de l’étrang(èr)eté. L’appelant, certes, est indéterminé, – mais le lieu d’où il appelle ne demeure pas indifférent pour l’appeler. Ce « d’où » – l’étrang(èr)eté de l’isolement jeté – est co-appelé dans l’appeler, autrement dit co-ouvert. Le « d’où » de l’appeler, dans la pro-vocation à…, est le « vers où » du rappeler. L’appel ne donne nul pouvoir-être idéal, universel à comprendre ; ce pouvoir-être, il l’ouvre comme pouvoir-être à chaque fois isolé de chaque Dasein. Le caractère d’ouverture de l’appel n’est pleinement déterminé qu’à partir du moment où nous le comprenons comme rappel pro-vocant. C’est seulement à partir d’une orientation sur l’appel ainsi saisi qu’il est possible de demander ce qu’il donne à comprendre. EtreTemps58
L’appel est appel du souci. L’être-en-dette constitue l’être que nous appelons souci. Dans l’étrang(èr)eté, le Dasein se rassemble originairement avec lui-même. Elle transporte cet [287] étant devant sa nullité [Nichtigkeit] non-dissimulée, laquelle appartient à la possibilité de son pouvoir-être le plus propre. Dans la mesure où il y va pour le Dasein – comme souci – de son être, il se convoque lui-même – en tant que On factice-écheant – à son pouvoir-être depuis l’étrang(èr)eté. L’appel est rappel qui pro-voque ; qui pro-voque : à la possibilité d’assumer soi-même en existant l’étant jeté qu’il est ; il est rappel : à l’être-jeté, afin de comprendre celui-ci comme le fondement nul qu’il a à assumer dans l’existence. Le rappel pro-vocant de la conscience [Gewissen] donne au Dasein à comprendre qu’il doit – à titre de fondement nul de son projet nul se tenant dans la possibilité de son être – se ramener de la perte dans le On [das Man] vers lui-même, autrement dit qu’il est en-dette. EtreTemps58
Cependant, ce « fait » de la postériorité de la voix de conscience [Gewissen] exclut-il que l’appel soit pourtant, en son fond, un pro-voquer ? Que la voix soit saisie comme mouvement subséquent de la conscience [Gewissen], cela ne prouve pas encore une compréhension originaire du phénomène de la conscience [Gewissen]. Et si l’endettement factice était seulement l’occasion de l’appeler factice de la conscience [Gewissen] ? Si l’interprétation citée de la « mauvaise » conscience [Gewissen] s’arrêtait à la moitié du chemin ? Qu’il en soit bien ainsi, cela appert de la préacquisition ontologique où le phénomène se trouve porté par l’interprétation en question. La voix est quelque chose qui surgit, qui a sa place dans la séquence [Abfolge] des vécus sous-la-main et qui fait [291] suite au vécu de l’acte. Seulement, ni l’appel, ni l’acte accompli, ni la dette contractée ne sont des événements, munis du caractère d’un sous-la-main qui se déroule. L’appel a le mode d’être du souci. En lui, le Dasein « est » en-avant-de-soi, et cela de telle manière qu’il s’oriente en même temps en retour vers son être-jeté. Seule la position spontanée du Dasein comme enchaînement d’une succession de vécus peut permettre de prendre la voix pour quelque chose de subséquent, de postérieur, donc de nécessairement rétrospectif. Certes la voix rappelle, mais si elle rappelle, c’est, par delà l’acte accompli, à l’être-en-dette jeté, qui est « plus ancien » que tout endettement. Mais en même temps, le rappel pro-voque à l’être-en-dette en tant qu’il est à saisir dans l’existence propre, de telle sorte que l’être-en-dette existentiel authentique « succède » précisément à l’appel, et non pas l’inverse. La mauvaise conscience [Gewissen], au fond, se réduit si peu à une réprimande rétrospective qu’elle rappelle au contraire pro-spectivement à l’être-jeté. L’ordre de succession d’un déroulement de vécus est incapable de livrer la structure phénoménale de l’exister. EtreTemps59
La résolution transporte l’être du Là dans l’existence de sa situation. Mais d’autre part, elle délimite la structure existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience [Gewissen], du vouloir-avoir-conscience [Gewissen]. En celui-ci, nous avons reconnu la compréhension adéquate de l’ad-vocation [An-ruf]. Il devient donc tout à fait clair à partir de là que l’appel de la conscience [Gewissen], lorsqu’il con-voque au pouvoir-être, ne représente pas [au Dasein] un idéal d’existence vide, mais le pro-voque à la situation. Cette positivité existentiale de l’appel bien compris de la conscience [Gewissen] permet en même temps d’apercevoir en quelle mesure la restriction de la tendance de l’appel à des endettements contractés ou potentiels méconnaît le caractère d’ouverture de la conscience [Gewissen] et ne nous procure qu’en apparence la compréhension concrète de sa voix. L’interprétation existentiale de la compréhension de l’ad-vocation [An-ruf] en tant que résolution dévoile la conscience [Gewissen] comme ce mode d’être, renfermé dans le fondement du Dasein, où il se rend lui-même possible-en attestant son pouvoir-être le plus propre – son existence factice. EtreTemps60