L’affection n’ouvre pas seulement le Dasein en son être-jeté et son assignation au monde à chaque fois déjà ouvert avec son être, elle est elle-même le mode d’être existential où il se livre constamment au « monde » et se laisse aborder par lui de telle manière qu’il s’écarte d’une certaine façon de lui-même. La constitution existentiale de cette esquive se manifestera plus clairement dans le phénomène de l’échéance. EtreTemps29
Lorsque nous avons pour la première fois renvoyé à l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) comme constitution fondamentale du Dasein, puis caractérisé ses moments structurels constitutifs, nous n’avons pas poussé au-delà de l’analyse de la constitution d’être, jusqu’à la considération phénoménale du mode d’être de celle-ci. Sans doute les modes fondamentaux possibles de l’être-à, la préoccupation (Besorgen) et la sollicitude (Fürsorge), ont-ils été décrits. Toutefois la question du mode d’être quotidien (alltäglich) de ces guises d’être est demeurée inélucidée. De plus, il est apparu que l’être-à est tout autre chose qu’un simple face-à-face considératif ou actif (avec le monde), c’est-à-dire qu’un être-ensemble-sous-la-main d’un sujet et d’un objet. Et pourtant, l’apparence devait forcément subsister que l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) fonctionnât comme un cadre fixe à l’intérieur duquel se déroulent – sans affecter elle-même ontologiquement ce « cadre » – les possibles comportements du Dasein par rapport à son monde. Néanmoins, ce soi-disant « cadre » co-constitue lui-même le mode d’être du Dasein. Un mode existential de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) s’atteste dans le phénomène de l’échéance. EtreTemps38
Le phénomène de l’échéance ne nous révèle pas davantage quelque chose comme une « face nocturne » du Dasein, une propriété survenant ontiquement qui pourrait servir à compléter l’aspect anodin de cet étant. L’échéance dévoile une structure ontologique essentielle du Dasein lui-même, qui en détermine si peu une face nocturne qu’elle constitue au contraire tous ses jours dans la quotidienneté (Alltäglichkeit). EtreTemps38
C’est le phénomène de l’angoisse qui sera pris pour base de l’analyse, à titre d’affection satisfaisant à de telles requêtes méthodiques. L’élaboration de cette affection fondamentale et la caractérisation ontologique de ce qui y est ouvert en tant que tel prendra son départ dans le phénomène de l’échéance et délimitera l’angoisse par rapport au phénomène voisin, plus haut analysé, de la peur. L’angoisse, en tant que possibilité d’être du Dasein, en même temps que le Dasein même qui est ouvert en elle, livre le sol phénoménal requis pour la saisie explicite de la totalité originaire d’être du Dasein. L’être du Dasein se dévoile comme souci. L’élaboration ontologique de ce phénomène existential fondamental exige de le délimiter par rapport à des phénomènes qui pourraient être de prime abord identifiés à lui. Des phénomènes de ce genre sont la volonté, le souhait, la tendance, la pulsion. Mais le souci ne saurait être dérivé d’eux, car eux-mêmes sont fondés en lui. EtreTemps39
Dès lors, en s’orientant sur le phénomène de l’échéance, l’analyse ne s’interdit nullement d’expérimenter ontologiquement quelque chose au sujet du Dasein qui est ouvert en lui. Bien au contraire : c’est alors que l’interprétation échappe le mieux au danger de se livrer à une auto-saisie artificielle du Dasein. Tout ce qu’elle accomplit, c’est l’explication de ce que le Dasein ouvre lui-même ontiquement. Plus est originaire le phénomène qui fonctionne méthodiquement comme affection ouvrante, et plus s’accroît la possibilité de pénétrer, en l’accompagnant et le poursuivant interprétativement au sein d’un comprendre affecté, jusqu’à l’être du Dasein. Or que l’angoisse ait une telle fonction, c’est ce que nous affirmons tout d’abord. EtreTemps40