Mais le temps du monde est aussi plus « subjectif » que tout sujet possible, parce que c’est lui qui — à condition d’être bien compris comme le sens du souci comme être du Soi-même facticement existant — rend tout d’abord possible, conjointement avec la temporalité, cet être même. « Le temps » n’est sous-la-main ni dans le « sujet » ni dans l’« objet », il n’est ni « dedans » ni « dehors », et il est « plus ancien » que toute subjectivité et objectivité, parce qu’il représente la condition de possibilité même de ce « plus ancien ». A-t-il alors en général un « être » ? Et, si non, est-il donc un fantôme, ou bien « plus étant » que tout possible étant ? La recherche qui poussera plus avant dans la direction de telles questions se heurtera à la (420) même « limite » qui s’était déjà imposée à l’élucidation provisoire de la connexion entre être et vérité (NA: Cf. supra, § 44 c, p. 226 sq.). Mais quelque réponse que ces questions reçoivent dans la suite — ou à quelque degré d’originarité qu’elles puissent être posées —, une chose doit être d’emblée comprise : la temporalité comme ekstatico-horizontale temporalise quelque chose comme un temps du monde, lequel constitue une intratemporalité de l’à-portée-de-la-main et du sous-la-main. Ce dernier, néanmoins, ne peut en aucun cas être qualifié strictement de « temporel ». Qu’il survienne réellement, qu’il naisse et passe ou qu’il subsiste « idéalement », il est toujours, comme tout étant qui n’a pas la mesure du Dasein, in-temporel.
Si donc le temps du monde appartient à la temporalisation de la temporalité, il ne saurait être ni volatilisé dans un sens « subjectiviste », ni « chosifié » par une mauvaise « objectivation », deux écueils que seul un aperçu clair — et non pas simplement un balancement incertain entre l’une et l’autre possibilités — peut permettre d’éviter : l’aperçu de la manière dont le Dasein quotidien (alltäglich) conçoit théoriquement « le temps » à partir de sa compréhension prochaine du temps, et de la mesure en laquelle ce concept de temps et sa domination l’empêche d’en comprendre le sens à partir du temps originaire, c’est-à-dire comme temporalité. La préoccupation (Besorgen) quotidienne (alltäglich), qui se donne du temps, trouve « le temps » dans l’étant intramondain qui fait encontre « dans le temps ». Par suite, la mise au jour de la genèse du concept vulgaire du temps doit prendre son départ dans l’intratemporalité. (EtreTemps80)