La fabrication et l’utilisation d’outils, d’instruments et de machines font partie de ce qu’est la technique. En font partie ces choses mêmes qui sont fabriquées et utilisées, et aussi les besoins et les fins auxquels elles servent. L’ensemble de ces dispositifs est la technique. Elle est elle même un dispositif (Einrichtung), en latin un instrumentum.
La représentation courante de la technique, suivant laquelle elle est un moyen et une activité humaine, peut donc être appelée la conception instrumentale et anthropologique de la technique.
[…] La conception instrumentale de la technique est même exacte d’une façon si peu rassurante qu’elle est aussi applicable à la technique moderne, dont on affirme d’ailleurs, avec un certain droit, que par rapport à la technique artisanale antérieure elle est quelque chose de tout à fait autre, donc de nouveau. […]
[…] C’est pourquoi la conception instrumentale de la technique dirige tout effort pour placer l’homme dans un rapport juste à la technique. […]
[…] Nous disions pourtant que la conception instrumentale de la technique était exacte; et elle l’est bien aussi. […] La conception instrumentale de la technique, bien qu’exacte, ne nous révèle donc pas encore son essence. […] Il nous faut demander : qu’est-ce que le caractère instrumental lui même? […] Là où des fins sont recherchées et des moyens utilisés, où l’instrumentalité est souveraine, là domine la causalité.
[…] Ce qu’est la technique, représentée comme moyen, se dévoilera lorsque nous aurons ramené l’instrumentalité à la quadruple causalité. [GA7, pg. 10]
Aussi longtemps que nous n’attaquons pas ces questions, la causalité, et avec elle l’instrumentalité, et avec celle-ci la conception courante de la technique, demeurent obscures et flottantes. [GA7, pg. 13]
Aussi longtemps que ce chemin ne s’ouvre pas à nous, nous n’apercevons pas non plus ce qu’est proprement cette instrumentalité qui repose dans la causalité. [GA7, pg. 15]
Où nous sommes nous égarés? Nous demandions ce qu’est la technique et sommes maintenant arrivés devant l’aletheia, devant le dévoilement. En quoi l’essence de la technique a t elle affaire avec le dévoilement? Réponse : en tout. Car tout « pro-duire » se fonde dans le dévoilement. Or, celui ci rassemble en lui les quatre modes du faire venir – la causalité – et les régit. Dans son domaine rentrent les fins et les moyens, et aussi l’instrumentalité. Celle-ci passe pour être le trait fondamental de la technique. Si, précisant peu à peu notre question, nous demandons ce qu’est proprement la technique entendue comme moyen, alors nous arrivons au dévoilement. En lui réside la possibilité de toute fabrication productrice. [GA7, pg. 17]
Ce serait ici le lieu d’examiner la définition que Hegel donne de la machine, à savoir un instrument indépendant. Du point de vue de l’instrument artisanal, cette caractérisation est exacte. [GA7, pg. 23]
La conception purement instrumentale, purement anthropologique, de la technique devient caduque dans son principe; on ne saurait la compléter par une explication métaphysique ou religieuse qui lui serait simplement annexée. [GA7, pg. 28]
Mais ici le mot Gestell ne désigne pas un instrument ni aucune espèce d’appareil. [GA7, pg. 39]
Aussi longtemps que nous nous représentons la technique comme un instrument, nous restons pris dans la volonté de la maîtriser. Nous passons à côté de l’essence de la technique.
Si cependant nous demandons comment l’instrumentalité, entendue comme une espèce de causalité, est dans son être (west), alors nous appréhendons cet être comme le destin d’un dévoilement. [GA7, pg. 44]