{{Isaïe, 40,18-22 (le Prophète sémite s’exprime en poète-philosophe, comme Parménide)}}
« D’après qui pourriez-vous imaginer Dieu? (l’objet véritable de la question !)
_ et quelle image pourriez-vous en offrir?
_ Un fondeur coule la statue. (les analogies, avec le danger qu’elle comporte de substituer au vrai Dieu les « images » idolâtriques…)
_ Un orfèvre la recouvre d’or
_ et fond des chaînes d’argent.
_ Un sculpteur habile lui cherche
_ du palmier précieux
_ choisit du bois qui ne pourrit pas
_ pour fabriquer une statue solide.
_ Ne le saviez-vous pas? (appel à la « connaissance » et à la tradition)
_ Ne l’aviez-vous pas entendu dire?
_ Ne vous l’avait-on pas révélé depuis l’origine?
_ N’avez-vous pas compris la fondation de la terre?
_ Il habite au-dessus du cercle de la terre,
_ dont les habitants paraissent comme des sauterelles. »
L’origine, c’est en réalité et à la lettre la « tête ». Le penseur parcourt le monde, des pieds à la tête, en remontant vers le principal. Cette question du principe n’est pas le fait ni des Sémites, ni des Grecs comme tels; c’est une question humaine, posée à tous. Quelle que soit la source d’où éventuellement l’homme tienne la réponse et détienne sa certitude, c’est toujours « de la terre » qu’on s’inquiète de trouver le « fondement », — le fondateur, l’hypothèse foncière, même si une représentation spontanée incline à voir les choses sur le plan horizontal de l’origine historique, comme à se figurer la demeure du Très-Haut, verticalement « au-dessus du cercle de la terre ».
{{Saint Paul de Tarse}}
« Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous réduire en esclavage par le vain leurre de la « philosophie » selon la tradition des humains, selon les éléments du monde (stoikeia tou kosmon) — et non selon le Christ. Car en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez en lui associés à sa plénitude. Saint Paul, Colossiens 2, 8-9.
« Paul sentait brûler en lui l’indignation au spectacle de cette ville (Athènes) remplie d’idoles. Il s’entretenait donc à la synagogue avec les Juifs et ceux qui adoraient Dieu, — et sur l’agora, tous les jours, avec les passants. Il y avait même des philosophes — stoïciens — épicuriens, — qui l’abordaient. Les uns disaient : Que peut bien vouloir dire ce perroquet? D’autres : On dirait un prêtre de divinités étrangères, — parce qu’il annonçait Jésus et la Résurrection.
Ils le prirent alors avec eux et l’emmenèrent devant l’Aréopage en disant : « Pourrions-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine que tu enseignes? Car ce sont d’étranges propos que tu nous fais entendre. Nous voudrions donc savoir ce que cela veut dire. » Tous les Athéniens, en effet, et les étrangers qui résidaient parmi eux n’avaient d’autre passe-temps que de dire ou écouter les dernières nouveautés.
Debout, au milieu de l’Aréopage, Paul dit alors : « Athéniens, à tous égards, vous êtes, je le vois, les plus religieux des hommes. Parcourant en effet votre ville et considérant vos monuments sacrés, j’ai trouvé jusqu’à un autel avec l’inscription : Au Dieu inconnu. Eh bien! ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer. » Actes des Apôtres, 17, 16 ss.
Où est-il le raisonneur d’ici-bas? Dieu n’a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ? Puisqu’en effet, dans la sagesse de Dieu, le monde n’a pas reconnu Dieu par la sagesse (sophia), Dieu a trouvé bon de sauver par la folie du message les croyants. Saint-Paul, 1 Cor., 1, 20.
{Florent Gaboriau, L’entrée en métaphysique. Casterman, 1962.}