L’ ek-sistence, pensée de façon extatique, ne coïncide, ni dans son contenu, ni dans sa forme, avec l’existentia. Dans son contenu, ek-sistence signifie ex-stase en vue de la vérité de l’Être. Existentia (existence veut dire par contre actualitas, réalité, par opposition à la pure possibilité conçue comme idée. Ek-sistence désigne la détermination de ce qu’est l’homme dans le destin de la vérité. Existentia reste le nom qu’on donne à la réalisation de ce qu’une chose est, lorsqu’elle apparaît dans son idée. La proposition: ” l’homme ek-siste ” n’est pas une réponse à la question de savoir si l’homme est réel ou non; elle est une réponse à la question portant sur l’” essence ” de l’homme. Cette question est aussi mal posée, que nous demandions ce qu’est l’homme, ou que nous demandions: qui est l’homme? Car avec ce qui? ou ce quoi? nous prenons déjà sur lui le point de vue de la personne ou de l’objet. Or, la catégorie de la personne, tout autant que celle de l’objet, laisse échapper et masque à la fois ce qui fait que l’ek-sistence historico-ontologique déploie son essence. Aussi est-ce à dessin que la phrase de Sein und Zeit (p. 42) citée plus haut porte ce mot ” essence ” entre guillemets. On indique par là que l’essence ne se détermine plus désormais, ni à partir de l’esse essentiae, ni à partir de l’esse existentiae, mais à partir du caractère ek-statique de l’être-là. En tant qu’ek-sistant, l’homme assume lêtre-le-là, lorsque pour ” le souci ” il reçoit le là comme l’éclaircie de l’Être. Mais cet être-le-là déploie lui-même son essence comme ce qui est ” jeté “. Il déploie son essence dans la projection de l’Être, cet Être dont le destin est de destiner. CartaH: P 83-84
Le principe premier de Sartre selon lequel l’existentia précède l’essentia justifie en fait l’appellation d’” existentialisme ” que l’on donne à cette philosophie. Mais le principe premier de l’” existentialisme ” n’a pas le moindre point commun avec la phrase de Sein und Zeit, sans parler du fait que, dans Sein und Zeit, une proposition sur le rapport essentia-existentia ne peut absolument pas encore être formulée, puisqu’il ne s’agit dans ce livre que de préparer un terrain pré-alable. On n’y parvient,d’après ce qui a été dit que de façon assez imparfaite. Ce qui reste encore à dire aujourd’hui, et pour la première fois, pourrait peut-être donner l’impulsion qui acheminerait l’essence de l’homme à ce que, pensant, elle soit attentive à la dimension sur elle omnirégnante de la vérité de l’Être. Un tel événement ne pourrait d’ailleurs à chaque fois se produire que pour la dignité de l’Être et au profit de cet être-le-là que l’homme assume dans l’ek-sistence, mais non à l’avantage de l’homme pour que brillent par son activité civilisation et culture. CartaH: P 86