Beaufret (1992:22-24) – subjetividade (Subjektivität)

(**No fundo, o homem dos Tempos Modernos é o homem “ego-cogitativo” de Descartes. E é o que pode dizer a palavra “subjetividade” tal qual será empregada bem mais tarde. Pois evidentemente não se encontra ainda em Descartes mas se encontra desde Kant. Esta palavra será levada ao ápice de uma instituição pelos filósofos que se inspirarão de Kant, a saber Schelling, Hegel; é a mesma subjetividade que está na base, dirá Heidegger, da filosofia de Nietzsche. Toda a filosofia moderna é a filosofia da subjetividade cuja fenomenologia de Husserl é um dos mais belos floreios.**)


Descartes dans la Seconde Méditation examine un étant, le morceau de cire. Que dit Descartes ?

1

— C’est un point de vue qui aurait été incompréhensible pour les Grecs ?

2

— Cette attitude sera à l’origine de ce que Heidegger appelle le « projet mathématique de la nature » qui institue les Temps modernes…

Mais bien sur, car rien n’est plus en accord avec cette manière qu’a l’homme moderne de toiser la chose, que son interprétation mathématique. Qu’y a-t-il de plus satisfaisant du point de vue « ego-cogitatif » (24) que de dire que la seule chose à savoir par rapport à quelque chose, c’est de répondre à son sujet à la question « de combien ? ».


  1. Descartes lui dit : « Tu n’es pas une autre chose que me cogitante (moi pensant) tandis que je t’égocogite ! » 

  2. Incompréhensible ! Inadmissible, stupéfiant ! Les Grecs voyaient les choses en liberté dans l’ouvert. Descartes voit les choses dans la mesure où il les attire dans le réseau de ce qu’il nomme cogitatio. A ce moment-là, elles ne prennent que la nature que lui permet ce qu’il nomme intuitus : le coup d’œil qu’il jette sur elles et qui les réduit, comme il dit. Le fait que le mot réduire soit employé à plusieurs reprises par Descartes, par exemple : je n’examinerai une question de physique que l’ayant réduite aux lois des mathématiques, dit-il… est tout à fait étranger à Platon. Les Grecs ne sont pas des réducteurs, ils seraient plutôt des gens qui essaient de se dilater jusqu’où il y a des choses — le contraire même de la réduction.

    Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi. Que vient (23) faire cet « ego cogito » qui prend la première place et joue le premier rôle dans la philosophie de Descartes ?

    La question, à ce moment-là, consiste à se demander si la dimension dans laquelle les Grecs éprouvaient la présence des choses, leur poids, leur dimension propre, n’est pas quelque chose qui a disparu. Platon parle quelque part de ce qu’il appelle : ἔξοδος τῆς ἐπιστημῆς « l’exode d’épistêmê ». Mais qu’est-ce qu’ἐπιστημή ? Dans son fond ἐπιστημή, c’est ἀλήθεια. On traduit alêthéia par « vérité»; il ne s’agit pas tant de vérité que de ce que dit le mot ἀλήθεια lui-même, à savoir présence à découvert de quelque chose. Les Grecs sont là où la chose leur est présente à découvert, aucune réduction n’en est possible. Ce sont eux plutôt qui sont réduits par l’énergie d’apparition qui est celle de la chose; ils sont admiratifs par rapport à ce phénomène, comme ils disent, originaire qui les émerveille de toutes parts ; tandis qu’un cartésien jette un regard « ego-cogitatif » sur la chose qui lui est devenue objet. Mais s’il en est réduit à ce regard « cogitatif », n’est-ce pas à cause du départ, comme dit Platon, de l’alêthéia elle-même, c’est-à-dire de la dimension dans laquelle les Grecs pouvaient éprouver les choses à découvert ? Au fond, l’homme des Temps modernes est l’homme « ego-cogitatif » de Descartes. Et c’est ce que peut dire le mot de « subjectivité » tel qu’il sera employé assez tardivement. Car évidemment on ne le trouve pas encore chez Descartes mais on le trouve dès Kant. Ce mot sera même porté à la hauteur d’une institution par les philosophes qui s’inspireront de Kant, à savoir Schelling, Hegel; c’est la même subjectivité qui est à la base, dira Heidegger, de la philosophie de Nietzsche. Toute la philosophie moderne est la philosophie de la subjectivité dont la phénoménologie de Husserl est l’un des plus beaux fleurons.