Verfallen [SZ]
Mais l’interprétation préparatoire des structures fondamentales du Dasein considéré en son mode d’être moyen et le plus immédiat — mode où il est donc aussi d’abord historial — sera également amenée à montrer ceci : le Dasein a non seulement l’inclination à buter [NT: Dans cette phrase, nous traduisons provisoirement par « buter » le verbe verfallen ; dans la suite (notamment à partir du § 38, qui introduit le concept d’« échéance »), il le sera toujours par « échoir [verfallen] ». Voir nos index à ces mots.] sur le monde où il est, et à s’interpréter réflectivement à partir de lui, mais encore et du même coup le Dasein bute alors sur sa tradition plus ou moins expressément saisie. Celle-ci le dépossède de la charge de se conduire, de questionner, de choisir. Et cela vaut éminemment de la compréhension — et de l’élaboration possible de la compréhension — qui est enracinée dans l’être le plus propre du Dasein, bref de la compréhension ontologique. [EtreTemps6]
Sous B (l’être quotidien [alltäglich] du Là et l’échéance du Dasein), seront analysés, conformément au phénomène constitutif du parler, de la vue incluse dans le comprendre et de l’explicitation [134] (interprétation) qui lui appartient, les modes existentiaux de l’être quotidien [alltäglich] du Là que voici : le bavardage [Gerede] (§ 35), la curiosité (§ 36), l’équivoque (§ 37). Dans ces phénomènes se dégagera un mode fondamental de l’être du Là, que nous interprétons comme échéance, la « chute » en question manifestant une guise existentialement spécifique de mobilité (§ 38). [EtreTemps28]
B. L’ÊTRE QUOTIDIEN DU LÀ ET L’ÉCHÉANCE DU DASEIN
En revenant jusqu’aux structures existentiales de l’ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], notre interprétation a d’une certaine manière perdu des yeux la quotidienneté [Alltäglichkeit] du Dasein. Cet horizon phénoménal qu’elle s’était donnée pour thème, l’analyse doit maintenant le [167] reconquérir. La question est donc maintenant celle-ci : quels sont les caractères existentiaux de l’ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] pour autant que celui-ci se tient, en tant que quotidien [alltäglich], dans le mode d’être du On ? Est-ce qu’une affection spécifique, un comprendre, un parler, un expliciter particuliers appartiennent à celui-ci ? La solution de ces questions devient d’autant plus urgente si nous rappelons que le Dasein, de prime abord et le plus souvent, s’identifie au On et en subit la domination. Le Dasein comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] jeté n’est-il pas justement d’abord jeté dans la publicité du On ? Et qu’est-ce que cette publicité signifie d’autre que l’ouverture spécifique du On ?
Si le comprendre doit être primairement conçu comme le pouvoir-être du Dasein, une analyse du comprendre et de l’expliciter propres au On devra nous apprendre quelles possibilités de son être le Dasein comme On a ouvertes et s’est appropriées. Ensuite, ces possibilités elles-mêmes manifesteront une tendance d’être essentielle de la quotidienneté [Alltäglichkeit]. Quant à celle-ci, enfin, elle doit dévoiler, à supposer qu’elle soit ontologiquement expliquée de manière satisfaisante, un mode originaire d’être du Dasein, de telle manière qu’à partir de lui le phénomène cité de l’être-jeté puisse être mis en lumière en sa concrétion existentiale.
Ce qui est exigé en premier lieu, c’est de rendre visible sur des phénomènes déterminés l’ouverture du On, c’est-à-dire le mode quotidien [alltäglich] d’être du parler, de la vue et de l’explicitation. Par rapport à ces phénomènes, il ne sera peut-être pas superflu d’observer que leur interprétation a une intention purement ontologique, et qu’elle se tient à cent lieues d’une critique moralisante du Dasein quotidien [alltäglich], ainsi que de toute entreprise de « philosophie de la culture ». [EtreTemps34]
§ 38. L’échéance et l’être-jeté.
Bavardage, curiosité et équivoque caractérisent la guise en laquelle le Dasein est quotidienne [alltäglich]ment son « Là », c’est-à-dire l’ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Ces caractères, en tant que déterminité [Bestimmtheit]s existentiales, ne sont pas sous-la-main dans le Dasein, mais co-constituent son être. En eux et en leur connexion ontologique se dévoile un mode fondamental de l’être de la quotidienneté [Alltäglichkeit], que nous appelons l’échéance [NT: Voir l’index, s.v. Verfallen.] du Dasein.
Ce titre, qui n’exprime aucune valorisation négative, doit signifier ceci : de prime abord et le plus souvent, le Dasein est auprès du « monde » dont il se préoccupe. Cette identification a le plus souvent le caractère de la perte dans la publicité du On. De prime abord, le Dasein est toujours déjà retombé de lui-même comme pouvoir-être-Soi-même authentique, et il est échu sur le « monde ». L’être-échu sur le « monde » désigne l’identification à l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] pour autant que celui-ci est conduit par le bavardage [Gerede], la curiosité et l’équivoque. Ce que nous appelions l’inauthenticité du Dasein [NA: §9 [EtreTemps9]] reçoit [176] maintenant de l’interprétation de l’échéance une détermination plus aiguë. Cependant inauthenticité et non-authenticité ne signifient nullement que le Dasein, en un tel mode d’être, perdrait en général son être. L’inauthenticité désigne si peu quelque chose comme un ne-plus-être-au-monde [In-der-Welt-sein] qu’elle constitue précisément un être-au-monde [In-der-Welt-sein] privilégié qui est complètement pris par le « monde » et par l’être-Là-avec [Mitdasein] d’autrui dans le On [das Man]. Le ne-pas-être-lui-même fonctionne comme possibilité positive de l’étant qui s’identifie essentiellement au monde par sa préoccupation [Besorgen]. Ce non-être doit nécessairement être conçu comme le plus prochain mode d’être du Dasein, celui où il se tient le plus souvent. [EtreTemps38, voir tou le paragraphe]