(55) Sur le rien, la métaphysique s’exprime, de longue date, en une formule assurément équivoque : ex nihilo nihil fit, rien ne vient de rien (NT: aus Nichts wird Nichts. On notera ici les majuscules.). Quoique, dans la discussion de la formule, jamais le rien lui-même proprement ne fasse problème, celle-ci porte cependant à l’expression, à partir de la référence faite à chaque fois au rien, la conception fondamentale de l’étant en l’occurrence directrice. La métaphysique antique conçoit le rien sous l’espèce du non-étant, c’est-à-dire de l’élément sans forme, qui ne peut lui-même se forme en un étant doué de forme et offrant, par là même, un aspect (eidos). L’étant est la configuration se figurant qui se présente comme telle dans la figure (ce qui s’offre à la vue). L’origine, la légitimité et les limites de cette conception de l’être sont aussi peu discutées que le rien lui-même. La dogmatique chrétienne, par contre, nie la vérité de la formule ex nihilo nihil fit et donne au rien, ce faisant une signification modifiée, au sens de l’absence totale de l’étant extra-divin : ex nihilo fit — ens creatum. Le rien devient alors le concept antithétique de l’Étant proprement dit, du summum ens, de Dieu comme ens increatum. Ici aussi, l’interprétation du rien annonce la conception fondamentale de l’étant. Mais la discussion métaphysique de l’étant se place sur le même plan que la question portant sur le rien. Les questions portant sur l’être et le rien restent comme telles toutes deux hors de débat. C’est aussi pourquoi l’on ne s’embarrasse nullement de cette difficulté que, si Dieu crée à partir du rien, il faut bien qu’il puisse se rapporter à lui. Mais si Dieu est Dieu, il ne peut connaître le rien, s’il est vrai que l’”absolu” exclut de soi toute nullité. 70 QQMETA La réponse à la question