Un regard sur l’ontologie traditionnelle nous apprend qu’en manquant l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) comme constitution du Dasein, on passe du même coup à côté du phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit). Au lieu de l’apercevoir, on tente d’interpréter le monde à partir de l’être de l’étant qui est sous-la-main de manière intramondaine, sans pour autant y être même d’abord découvert comme tel, c’est-à-dire à partir de la nature. La nature, entendue de manière ontologico-catégoriale, est un cas-limite de l’étant intramondain possible. Le Dasein ne peut découvrir l’étant comme nature qu’à l’intérieur d’un mode déterminé de son être-au-monde (In-der-Welt-sein). Ce connaître a le caractère d’une certaine démondanisation du monde. La « nature » comme ensemble catégorial des structures d’être d’un certain étant faisant encontre à l’intérieur d’un monde ne saurait en aucun cas rendre la mondanéité (Weltlichkeit) intelligible. De même le phénomène de la « nature » au sens du concept romantique de la nature, par exemple, n’est-il saisissable ontologiquement qu’à partir du concept de monde, c’est-à-dire à partir de l’analytique du Dasein. EtreTemps14
Par rapport au problème d’une analyse ontologique de la mondanéité (Weltlichkeit) du monde, l’ontologie traditionnelle se meut – si tant est qu’elle aperçoive en général le problème – dans une impasse. D’un autre côté, une interprétation de la mondanéité (Weltlichkeit) du Dasein et des possibilités et des modalités de sa mondanisation aura à montrer pourquoi le Dasein passe (66) ontiquement et ontologiquement à côté du phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit) en adoptant le mode d’être de la connaissance du monde. Cependant, le phénomène de ce manquement de la mondanéité (Weltlichkeit) nous indique du même coup qu’il est besoin de précautions particulières pour assurer à l’accès au phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit) le point de départ phénoménal correct, c’est-à-dire propre à empêcher le manquement cité. EtreTemps14
La tournure (Bewandtnis), tel est l’être de l’étant intramondain, l’être vers lequel il est à chaque fois déjà de prime abord libéré. Avec lui, en tant qu’étant, il retourne à chaque fois de ceci ou de cela. Cela, avoir une tournure (Bewandtnis), est la détermination ontologique de l’être de cet étant, et non pas un énoncé ontique à son sujet. Ce dont il retourne, voilà le pour-quoi de l’utilité et le à-quoi de l’employabilité. Avec le pour-quoi de l’utilité, il peut derechef retourner de… ; par exemple, avec cet étant à-portée-de-la-main que nous appelons, et pour cause, un marteau, ce dont il retourne, c’est de marteler ; avec ce martèlement, il retourne de consolider une maison ; avec cette consolidation, de se protéger des intempéries ; cette protection « est » en vue de l’abritement du Dasein, autrement dit en vue d’une possibilité de son être. De quoi retourne-t-il avec un étant à-portée-de-la-main, cela est à chaque fois prétracé à partir de la totalité de tournure (Bewandtnis). La totalité de tournure (Bewandtnis) qui, par exemple, constitue en son être-à-portée-de-la-main l’étant à portée de la main dans un atelier, est « antérieure » à l’outil (Zeug) singulier ; de même, autre exemple, celle d’une ferme, avec l’ensemble de son matériel et de ses bâtiments. Mais la totalité de tournure (Bewandtnis) renvoie elle-même en dernière instance à un pour-quoi avec lequel il ne retourne plus de rien – autrement dit qui n’est plus un étant sur le mode d’être de l’à-portée-de-la-main à l’intérieur d’un monde, mais un étant dont l’être est déterminé comme être-au-monde (In-der-Welt-sein), à la constitution d’être duquel la mondanéité (Weltlichkeit) elle-même appartient. Ce pour-quoi primaire n’est plus un pour-cela comme « de » possible d’une tournure (Bewandtnis). Le « pour-quoi » primaire est un en-vue-de-quoi. Mais le en-vue-de concerne toujours l’être du DASEIN, pour lequel en son être il y va toujours essentiellement de cet être. Nous n’avons pas encore à poursuivre plus avant la connexion indiquée, conduisant de la structure de la tournure (Bewandtnis) à l’être du Dasein en tant que en-vue-de-quoi authentique et unique. Préalablement, le « laisser-retourner » exige d’être suffisamment clarifié pour que nous portions le phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit) à la déterminité (Bestimmtheit) requise pour pouvoir en général soulever les problèmes qui la concernent. EtreTemps18
Pour ramener sous le regard phénoménologique les phénomènes conquis dans l’analyse préparatoire, un renvoi aux stades parcourus par celle-ci sera ici suffisant. La délimitation du souci a résulté de l’analyse de l’ouverture qui constitue l’être du « Là ». La clarification de ce phénomène signifiait l’interprétation provisoire de la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). C’est par la caractérisation de celui-ci que la recherche s’était engagée, afin d’assurer dès le départ, à l’encontre des pré-déterminations ontologiques inadéquates, quoique le plus souvent implicites, du Dasein, un horizon phénoménal suffisant. De prime abord, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) a été caractérisé par rapport au phénomène du monde, ce qui n’empêche que l’explication est partie de la caractérisation ontico-ontologique de l’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main « dans » le monde ambiant pour s’acheminer jusqu’au dégagement de l’intramondanéité (Weltlichkeit), afin de rendre visible en celle-ci le phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit) en général. Cependant, la structure de la mondanéité (Weltlichkeit) – la significativité (Bedeutsamkeit) – s’est révélée solidaire de ce vers-quoi le comprendre appartenant essentiellement à l’ouverture se projette – du pouvoir-être du Dasein, en-vue-de-quoi il existe. EtreTemps67