Pour le devin, tout présent et absent est rassemblé et sauvegardé en une seule présence. Notre ancien mot wâr (skr. -vara-, français « gare »3) signifie la garde. Nous le trouvons encore dans wahrnehmen (percevoir, c’est-à-dire : prendre garde à…), dans gewahren (s’aviser de…) et dans verwahren (garantir, sauvegarder). Cette garde est à penser comme hébergement (Bergen) éclaircissant et rassemblant. La présence garde le présent, qu’il soit présent ou non présent, dans l’ouvert sans retrait A partir de la garde du présent, le voyant pré-dit. Disant cette garde (diese Wahr sagend), il est le devin (der Wahr-sager).
Nous pensons ici la garde au sens du rassemblement éclaircissant et hébergeant, sous la figure duquel s’annonce un trait fondamental et jusqu’ici voilé de la présence, c’est-à-dire de l’être. Un jour nous apprendrons à penser notre mot usé de Wahrheit (vérité) à partir de la wahr (garde), et nous apprendrons que Wahrheit, vérité, est la Wahrnis, la sauvegarde de l’être, et que l’être, en tant que présence en fait partie. A la sauvegarde, qui est garde de l’être, correspond le berger, lequel a si peu à voir avec une pastorale idyllique ou une mystique de la nature, qu’il ne peut devenir berger de l’être que dans la mesure où il reste le lieutenant du néant4. Les deux sont le même. L’homme n’est capable des deux qu’à l’intérieur de l’être résolument ouvert (Ent-schlossenheit) du Da-sein.
NT: Lieutenant.
A penser rigoureusement comme le Lieu-tenant, celui qui, en tenant la place ouverte pour le Néant, laquelle place n’est rien d’autre que la place de son propre Dasein, devient le Berger de l’être. (GA5)