Angerufene, l’interpellé, intimado, one who is summoned
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En termes phénoménologiques, et c’est bien à une phénoménologie du divin que se risque la pensée de Heidegger, à savoir à une tentative de le laisser se dire à partir de lui-même, le problème est celui de l’accès à la dimension du divin, ou au contraire l’obstruction des conditions de possibilité du moindre accès au divin, y compris dans certaines manières croyantes d’en témoigner, qui peuvent être athées à leur insu. Or il se pourrait que la seule nomination du divin fût, en domaine germanophone, une première obstruction. Heidegger s’en avise dans le cours de 1943 sur Parménide, lorsqu’il note que le mot germanique commun Got (allemand moderne Gott) signifie étymologiquement : l’Invoqué (der Angerufene), Celui qui est vu à partir de l’homme et de sa détresse, et auquel s’adressent ses prières. De cet Invoqué, l’histoire de la métaphysique fera un Convoqué, sommé de satisfaire aux exigences de la lumière naturelle, aligné sur « quelque chose de tel que rien de plus grand ne peut être pensé » (Anselme), « acte pur d’être » (Thomas d’Aquin), « étant infini » (Duns Scot), « cause de soi » (Descartes, Spinoza), « ultime raison des choses » et « racine de la contingence » (Leibniz), ou encore « comble de réalité » (Kant) – voire « suprême valeur », identification que Heidegger va jusqu’à qualifier de « plus grand blasphème » (GA9, 349), dans la mesure où toute valeur résulte d’une évaluation qui à son tour est le fait d’un sujet assignant à tel ou tel étant, fût-il évalué comme suprême, la place qui lui revient dans une échelle de valeurs, le rabaissant du même coup en sa dignité. Tandis que le divin au sens grec n’est pas saisi à partir de l’homme, selon une tournure anthropologique, mais à partir de lui-même, comme ce qui ne doit qu’à soi-même son propre surgissement, nous foudroyant du regard, tel Zeus (Parménide, GA54, 164-5 ; voir Héraclite, fragment 64). La foi – dont il faudrait distinguer les différents « types » dans les religions juive et chrétienne, mais aussi peut-être entre confessions chrétiennes, s’il est vrai que, comme le souligne Heidegger dans le tome 60, la foi au sens catholique met l’accent sur l’adhésion, l’assentiment ou le « tenir-pour-vrai » (das Fürwahrhalten), la foi protestante se comprenant davantage comme confiance (Zuversicht) – est une modalité de la relation au divin. Ce ne fut pas celle des Grecs, chez qui les dieux, chantés par les poètes, resplendissent dans la lumière du mythe. « Les Grecs n’ont pas cru à leurs dieux. Une foi des Hellènes – pour rappeler ici Wilamowitz (auteur d’un ouvrage qui porte ce titre) – cela n’existe pas » (GA15, 27). Quant à l’appellation tardive et peu enthousiasmante de monothéisme, brandie comme étendard d’un « progrès », voire d’une prétendue « supériorité » sur le monde « païen » de la Grèce antique ou d’autres peuples, fait-elle autre chose qu’exprimer le « point de vue de ceux qui déclarent faux ce qui inspira à d’autres qu’eux la plus haute vénération » (J. Beaufret) ? Le Dieu « de » Heidegger n’est pas, on l’aura compris, le « Dieu des philosophes et des savants » (Pascal), mais est-il pour autant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Oui et non. (LDMH)