expérience vulgaire du temps

Si déjà le caractère ontologique de son être propre, étant donné la prépondérance de la compréhension échéante de l’être (être comme être-sous-la-main), se tient éloigné du Dasein, cela vaut davantage encore des fondements originaires de cet être. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si la temporalité, au premier regard, ne correspond pas à ce qui est accessible comme « temps » à la compréhension vulgaire. Le concept de temps de l’expérience vulgaire du temps et la problématique qui en naît ne sauraient donc, par conséquent, fonctionner inconsidérément comme critères de l’adéquation d’une interprétation. Bien plutôt la recherche doit-elle se rendre préalablement familière avec le phénomène originaire de la temporalité pour ne mettre au jour qu’à partir de lui la nécessité et le mode d’origine de la compréhension vulgaire du temps, ainsi que le fondement de sa domination. EtreTemps61

Bien que l’expérience vulgaire du temps ne connaisse de prime abord et le plus souvent que le « temps du monde », elle ne lui en attribue pas moins en même temps et toujours un rapport privilégié à l’« âme » et à l’« esprit ». Et cela n’est pas moins vrai lorsque le questionnement philosophique se tient encore éloigné de toute orientation expresse et primaire sur le « sujet ». Deux témoignages caractéristiques suffiront à le montrer : Aristote dit : ei de meden allo pephuken arthmein e psyche kai psyches nous, adunaton einai chronon psyches me ouses (NA: Physique, ?, 14, 223 a 25-26 ; cf. ibid., 11, 218 b 29-219 a 1, 219 a 4-6.). Et Augustin écrit : « Inde mihi visum est, nihil esse aliud tempus quam distensionem ; sed cujus rei nescio ; et mirum si non ipsius animi » (NA: Confessiones, XI, XXVI, 33, (NT: p. 287, Skutella : « Par suite, il m’est apparu que le temps n’est pas autre chose qu’une distention, mais de quoi ? Je ne sais, et il serait surprenant que ce ne fût pas de l’esprit lui-même. »)) Ainsi donc même l’interprétation du Dasein comme temporalité n’est pas fondamentalement extérieure à l’horizon du concept vulgaire du temps. Et Hegel a déjà fait la tentative expresse de dégager la connexion entre le temps vulgaire compris et l’esprit, tandis que chez Kant le temps est certes « subjectif », mais se tient sans lien « à côté », du « Je pense » (NA: Dans quelle mesure, chez Kant, émerge pourtant par ailleurs une compréhension plus radicale du temps que chez Hegel, c’est ce que montrera la section 1 de la deuxième partie du présent essai. (NT: Cf. le plan général indiqué supra, p. 40.)). La fondation (428) hegélienne de la connexion entre temps et esprit est spécialement appropriée pour préciser indirectement, par voie de confrontation, l’interprétation du Dasein comme temporalité et la mise en lumière de l’origine du temps du monde qui viennent d’être accomplies. EtreTemps81