L’être-au-monde [In-der-Welt-sein] du Dasein, avec la facticité qui lui est propre, s’est toujours déjà dispersé ou même disséminé dans des guises déterminées de l’être-à… Il est possible d’illustrer la multiplicité de ces guises de l’être-à… à l’aide de l’énumération suivante : avoir affaire avec quelque chose, produire quelque chose, prendre soin de quelque chose, employer quelque chose, abandonner quelque chose et le laisser perdre, entreprendre, imposer, [57] rechercher, interroger, considérer, discuter, déterminer… À ces guises de l’être-à… est commun un mode d’être qu’il nous faudra déterminer plus précisément : la préoccupation [Besorgen]. EtreTemps12
Que signifie le montrer d’un signe ? La réponse ne peut être obtenue que si nous déterminons le mode d’usage adéquat de l’outil [Zeug] monstratif, ce qui implique de saisir également son être-à-portée-de-la-main de manière authentique. Quel est donc le mode adéquat d’avoir-affaire-avec le signe ? Orientons-nous sur l’exemple cité de la flèche, et nous devons dire ceci : le comportement (être) correspondant au signe tel qu’il fait encontre est l’« écart » ou l’« arrêt » par rapport au véhicule équipé de la flèche. L’écart, en tant qu’il emprunte une certaine direction, appartient essentiellement à l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] du Dasein. Celui-ci est toujours orienté et en chemin d’une certaine manière : s’arrêter et demeurer en place ne sont que des cas-limites de cet « en-chemin » orienté. Le signe s’adresse à un être-au-monde [In-der-Welt-sein] spécifiquement « spatial ». Le signe n’est justement pas proprement « saisi » si nous le fixons du regard, le constatons comme une chose monstrative survenante. Même si nous suivons du regard la direction montrée par la flèche et avisons quelque chose de sous-la-main dans la contrée vers laquelle cette flèche fait signe, le signe ne nous fait pas encontre à proprement parler. Le signe s’adresse à la circon-spection de l’usage préoccupé de manière telle que cette circon-spection, tandis qu’elle suit la consigne de ce signe et l’accompagne, acquière une « vue d’ensemble » expresse sur ce qui constitue à chaque fois l’ambiance du monde ambiant. Cette vue d’ensemble circon-specte ne saisit pas pour autant l’à-portée-de-la-main ; elle obtient bien plutôt une orientation à l’intérieur du monde ambiant. Une autre possibilité d’expérience du signe consiste en ce que la flèche fasse encontre en tant qu’outil [Zeug] appartenant au véhicule ; le caractère spécifique d’outil [Zeug] de la flèche n’a pas alors besoin d’être découvert ; l’indétermination peut demeurer complète quant à ce qu’elle doit montrer, et comment, et pourtant ce qui fait encontre n’est point pure chose. Par opposition à la trouvaille immédiate d’une multiplicité d’outils à bien des égards indéterminée, l’expérience de la chose requiert sa déterminité [Bestimmtheit] propre. EtreTemps17
En tant qu’être-à é-loignant, le Dasein a en même temps le caractère de l’orientation. Tout approchement a déjà appréhendé d’avance une direction dans une contrée à partir de laquelle l’é-loigné s’approche de façon à devenir ainsi trouvable quant à sa place. La préoccupation [Besorgen] circon-specte est é-loignement [Entfernung] orientant. Dans cette préoccupation [Besorgen], c’est-à-dire dans l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] du Dasein lui-même, le besoin de « signes » est prédonné ; cet outil [Zeug] assume la fonction d’une indication explicite et aisée de directions. Il tient expressément ouvertes les contrées utilisées par la circon-spection – le vers-où de la destination, de l’accès, de l’apport. En tant qu’il est, le Dasein est orientant-éloignant, il a à chaque fois déjà sa contrée découverte. L’orientation aussi bien que l’é-loignement [Entfernung], en tant que modes d’être de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], sont d’emblée guidés par la circon-spection de la préoccupation [Besorgen]. EtreTemps23
Mais, dira-t-on, l’expression « Dasein » montre pourtant clairement que cet étant est « de prime abord » sans aucune relation à autrui, et que c’est après coup qu’il peut en plus être « avec » d’autres. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que nous utilisons le terme d’être-Là-avec [Mitdasein] pour désigner l’être auquel les autres qui sont libérés au sein du monde. Si cet être-Là-avec [Mitdasein] des autres n’est ouvert que de manière intramondaine à un Dasein – et ainsi également pour ceux qui sont-Là-avec -, c’est seulement parce que le Dasein est en lui-même essentiellement être-avec [Mitsein]. L’énoncé phénoménologique : le Dasein est essentiellement être-avec [Mitsein] a un sens ontologico-existential. Cet énoncé ne prétend pas constater ontiquement que je ne suis pas facticement seul sous-la-main, et qu’au contraire surviennent d’autres étants de mon espèce. Si la proposition : l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] du Dasein est essentiellement constitué par l’être-avec [Mitsein], avait ce sens, l’être-avec [Mitsein] ne serait pas une détermination existentiale caractérisant le Dasein à partir de soi-même et selon son mode d’être, mais simplement une propriété s’imposant à chaque fois sur la base de la survenance d’autrui. L’être-avec [Mitsein] détermine existentialement le Dasein même lorsqu’un autre n’est ni sous-la-main ni perçu facticement. Même l’être-seul du Dasein est être-avec [Mitsein] dans le monde. L’autre ne peut manquer que dans et pour un être-avec [Mitsein]. L’être-seul est un mode déficient de l’être-avec [Mitsein], sa possibilité est la preuve de celui-ci. D’autre part, l’être-seul factice n’est pas supprimé par le simple fait qu’un deuxième exemplaire « homme », voire même dix, surviennent « à côté » de moi. Même si ceux-ci, et plus encore, sont sous-la-main, le Dasein peut être seul. L’être-avec [Mitsein] et la facticité de l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] ne se fonde donc pas dans une survenance de plusieurs « sujets » [121] ensemble. Plus encore, même l’être-seul « parmi » beaucoup ne signifie pas, au sujet de l’être de ces « beaucoup », qu’ils soient alors simplement sous-la-main. Même pour l’être « parmi eux », ils sont là-avec ; leur être-Là-avec [Mitdasein] fait encontre selon le mode de l’indifférence et de l’étrangèreté. Le manque, le « départ » sont des modes de l’être-Là-avec [Mitdasein], ils ne sont possibles que parce que le Dasein comme être-avec [Mitsein] laisse le Dasein d’autrui faire encontre [begegnen] en son monde. L’être-avec [Mitsein] est une déterminité [Bestimmtheit] du Dasein à chaque fois propre ; l’être-Là-avec [Mitdasein] caractérise le Dasein d’autrui pour autant que celui-ci est libéré pour un être-avec [Mitsein] par le monde de celui-ci. Quant au Dasein propre, ce n’est que pour autant qu’il a la structure d’essence de l’être-avec [Mitsein] qu’il est lui-même être-Là-avec [Mitdasein] faisant encontre à d’autres. EtreTemps26