L’histoire, qui est essentiellement histoire de l’esprit, se déroule « dans le temps ». Donc, « le développement de l’histoire tombe dans le temps » (NA: HEGEL, Die Vernunft in der Geschichte. Einleitung in die Philosophie der Weltgeschichte (NT: La raison dans l’histoire, Introduction à la philosophie de l’histoire universelle), éd. G. Lasson, 1917, p. 133.). Hegel, cependant, ne se contente point de poser l’intratemporalité de l’esprit comme un fait, mais il cherche à comprendre la possibilité que l’esprit tombe dans le temps, lequel est « le sensible non-sensible » (NA: Ibid.). Le temps doit pour ainsi dire pouvoir accueillir l’esprit qui, à son tour, doit être apparenté au temps et à son essence. Par suite, il convient ici d’élucider les deux points suivants : 1. Comment Hegel délimite-t-il l’essence du temps ? 2. Qu’est-ce qui, dans l’essence de l’esprit, lui donne la possibilité « de tomber dans le temps » ? La réponse à ces deux questions servira simplement à préciser, par contraste avec celle de Hegel, l’interprétation précédente du Dasein comme temporalité. Elle n’élève aucune prétention à traiter, ne serait-ce qu’avec une complétude seulement relative, la multiplicité de problèmes qui, chez Hegel justement, leur sont liés, et cela d’autant moins que son intention n’est nullement de « critiquer » Hegel. Si une dissociation de l’idée de la temporalité qui a été exposée par rapport au concept hegélien du temps s’impose, c’est parce que ce concept représente l’élaboration conceptuelle la plus radicale – et qui plus est trop peu remarquée – de la compréhension vulgaire du temps. EtreTemps82
Comment maintenant l’esprit est-il lui-même compris pour qu’il puisse être dit qu’il lui est conforme, dans sa réalisation, de tomber dans le temps déterminé comme négation de la négation ? L’essence de l’esprit est le concept. Par ce terme, Hegel n’entend pas l’universel intuitionné d’un genre comme forme d’un pensé, mais la forme de la pensée se pensant elle-même : c’est le se-concevoir – en tant que saisie du non-Moi. Dans la mesure où le saisir du non-Moi représente un différencier, il y a dans le concept pur comme saisie de ce différencier un différencier de la différence. C’est pourquoi Hegel peut déterminer l’essence de l’esprit de manière formelle-apophantique comme négation de la négation. Cette « négativité absolue » offre l’interprétation logiquement formalisée du cogito cogitare rem où Descartes voit l’essence de la conscientia. EtreTemps82