Duval (HZ:169-173) – A sensibilidade

Cerner “ce qui” rend possible la connaissance humaine. Complicité kantienne.

Niveau a priori. A priori : non pas “ce qui est indépendant de l’expérience” (définition subjective) mais expérience de la provenance productrice pure de la Vie universelle qui en vient à s’expérimenter, à se schématiser par l’homme en une conscience parlante de soi (comme Silence).

Un simple regard sur les conditions de nos connaissances montre à Kant et à nous-mêmes qu’elles procèdent de trois sources fondamentale : la sensibilité, l’entendement, l’imagination.

Notre rapport à notre environnement affecte nos sens. De cette affection résulte des images de la réalité. A partir de ces données sensibles l’entendement produit des concepts et organise ces concepts dans des jugements dont on peut étudier critères et lois de cohérence.

Le schéma, au sens commun de ce mot, paraît simple. On pourra le compléter en disant que l’entendement ne produit des concepts sur les données sensibles qu’en fonction de la structuration du langage que la société a primordialement effectué en lui.

Mais en fait, de telles analyses, psycho-linguistiques, manquent le caractère propre de la connaissance humaine, même si elle s’inspirent plus ou moins lointainement du schéma scolaire de la hiérarchie kantienne des facultés.

En effet, au niveau de la sensibilité, l’homme est moins sensible à l’environnement qui l’entoure qu’à la provenance tacite de celui-ci, à l’Ailleurs, à la Dimension panréelle. Il a en ce sens moins un environnement qu’un Monde. Il n’y a pas dès lors une simple différence de degrés entre les perceptions animales et humaines, mais bien de nature.

Même remarque, toujours à ce niveau “élémentaire”, pour ce qui est du “fonctionnement” de la pensée. L’homme est moins sensible à telle ou telle idée particulière qu’à “ce qui” donne à la pensée la puissance, la capacité de penser.

Dès lors, le problème de la connaissance humaine est-il moins dans ses produits que dans “ce à partir de quoi” se produisent les conditionnements de son exercice (le sensible) et la condition de son effectuation (l’intelligible).

C’est pourquoi, pour le philosophe, depuis Kant, le problème de la connaissance est moins posé de façon “a posteriori” (dans l’usage de notre expérience quotidienne du monde) qu’“a priori”, dans l’Expérience que nous faisons des conditions occultes qui gèrent notre connaissance pure, niveau où nous “voyons” la Vie au plus près en travail de conscience de soi.

« Voir » purement l’oeuvrage de la Vie même se nomme “intuition”. Pour expliciter ce terme, Heidegger nous indique :

— « Ceci fait déjà comprendre qu’un éclaircissement ultérieur de ce qui, “originellement représenté” dans la pure intuition, ne sera possible que si on réussit à expliquer plus précisément dans quel sens l’intuition pure est “originaire”, c’est-à-dire de quelle manière elle laisse surgir ce qu ’elle atteint. » 1

Kant nous dit que les données sensibles nous sont données dans une “intuition sensible”. Ce n’est donc pas là une simple stimulation épidermique que l’entendement aurait à subsumer dans un acte qui ne deviendrait humain qu’alors. Dans son rapport le plus immédiat, le plus quotidien, le plus anodin, le plus “inconscient” au monde, l’homme est déjà tout entier humain par le “regard” (intuition) qu’il porte sur lui. Parce qu’il intuitionne le Monde, l’homme “voit” ce qu’il ne voit pas. Il “regarde” l’Ailleurs de la provenance panréelle du Monde et peut en être à ce point saisi qu’il peut en venir a être “absent ” de la situation où un regard spontané serait tenté de le voir présent.

Ainsi, le regard que l’homme porte sur le Monde resitue-t-il son environnement dans l’amplitude de la Dimension d’une Panréalité à laquelle il est tout entier et de part en part accordé. C’est pourquoi et en vertu de cela que Kant nous dit que “l’Espace est la forme a priori de la sensibilité”.

L’Espace est la Dimension dans laquelle s’oeuvre, s’effectue, l’extension de la Vie même. Il est la Dimension de sa schématisation. Et cette Dimension ne parvient à se concevoir telle, à se nommer telle, que par la réalité humaine qui, dans le rythme de sa corporation pancosmique, en vient non seulement à l’éprouver, mais à l’éprouver dans la nommination silencieuse où la projette le Cri de l’Éveil à ce Domaine d’effectuation pure de la Vie même. L’Espace, comme forme a priori, est donc un effet de la puissance schématisante de la Vie même qui se configure ainsi elle-même dans la conscience qu’elle prend d’elle-même par cette modalité particulière du Vivant pancosmique qu’est l’homme. L’Espace devient dès lors le nom propre du Domaine d’éploiement de la Vie universelle. Il est la Dimension où se déploie ce que nous expérimentons comme “énergie matérielle” (étendue) et comme “énergie spirituelle” (espace). Cela nous pouvons le reconnaître du fait de notre modalité vitale propre, mais cela n’exclut pas d’autres modalités d’affectuation possibles dans ce Domaine pur où s’effectue la Vie même.

Espace : forme, a priori de la sensibilité : “schéma” majeur, configuration essentielle de la conscience parlante que la Vie prend d’elle-même par la réalité humaine.

Forme pure de l’Espace où tout demeure.

Eclair qui déploie son éclaircie.

Vide surabondant de possibles.

Espace, Domaine du Jeu transfigurant où toute forme tend à son propre dépassement.

Métamorphose. Méta.

Mais toujours dans l’éploiement de la Dimension pure du Simple.

Espace : Espace d’avènement.

Domination pure de toute chose dans le rythme de ses métamorphoses. Présentation pure de toute chose à elle-même dans sa configuration transitoire.

Espace : Présentation pure du Simple.

Espace : Instant du Monde. Instance qui met en oeuvre la Roue du Monde.

Envoûtante obsession de l’Espace. Energie pure. En-deçà. Tao. Expérimentée par réalité humaine comme énergie matérielle, conceptuelle et toujours cependant si pure dans le retrait où elle demeure source d’étonnement, Dans le retrait où demeure le Feu de l’Eclair qui gouverne la Dimension. Feu qui foudroie. Qui étonne.

Coup de foudre de l’artiste qui condense sa complicité pancosmique dans l’éclair condensé d’un trait d’encre végétale. Eclosion d’un mot sur la Page Blanche. Eclosion du mot Silence dans l’Amplitude du Tao. Non. Avant. Encore avant. Juste au moment où le mot est encore vibration dans l’Espace, vibration de l’Espace. Juste au moment où la surabondance des possibles est parvenue à s’effectuer dans la configuration particulière d’un vivant qui dit au Vivant cosmique sa propre conscience de soi dans le Silence affleurant de la Panréalité se réfléchissant en elle-même sur elle-même par delà elle-même.

Juste ce moment où l’Espace laisse affleurer la conscience de ce qu’il est dans le Silence parlant son extension primordiale.

Instant du plus haut désir de la Vie.

Espace. Forme. Pure. De la sensibilité, de l’“aisthetikon” en quoi le Monde se sent lui-même par la configuration de son Silence qui prend corps dans le Corps de la Panréalité par la réalité humaine elle-même. Vivante. Vie.

Espace, Instant pur. Jeu de l’Espace et du Temps. Temps pur. Temps qui rend présent. Temps qui dit l’effectuation de la pure schématisation de la Vie même.

Il est ici une confusion qu’il nous faut décidément — bien brièvement dans le cours de ce propos, dénoncer : celle du privilège du temps sur l’Espace.

Le Temps, au sens de “ce qui” rend présent n’est qu’un mot pour qualifier l’extension pure de la Vie dans l’Espace. Le Temps comme forme pure de la réalité humaine n’est que la configuration par quoi la Vie se dit elle-même l’extension de sa Dimension. Le Temps dit l’Instance donatrice s’effectuant dans l’Espace. Mais l’Espace en lui-même demeure la Pose recueillie en qui se rassemble toutes les possibilités du Vide surabondant dont la réalité humaine ne peut expérimenter que la puissance d’avènement. L’Espace demeure le Domaine où repose le tacite, lors même que le temps dit l’explicitation surabondante qui s’y effectue en les rythmes métamorphiques de la Panréalité. Le Temps dit l’Instance donatrice qui s’effectue “dans” l’Espace, mais il ne dit pas tout sur l’Espace.

Espace : Pose recéleuse. Temps pur : Instant d’extension de la Dimension.

Roue. Mais Espace donne à l’instant panréel la Possibilité pure, involuée de son Tour.

Après il y a les temps des hommes, leurs époques et leurs histoires, grandes ou petites. Toujours grandes en fait, car elles ne sont que les réponses que les hommes font à l’Instance de la Panréalité qui règne dans la Solitude de la Pose silencieuse de l’Espace.

L’histoire, essentiellement relative par rapport à Cela qui s’éploie et règne dans le Silence de sa Pose recueillie. Mais l’histoire est aussi processus de personnification de la Vie même. Elle la porte à réaliser ses plus hauts rêves, ses plus hauts désirs, car par la réalité humaine la Vie ne fait pas qu’affleurer à la conscience de soi dans la Parole du Premier Silence Veillant, du Premier Silence vibrant : elle se voit Juste, Belle, Bonne, Vraie. Elle se voit Une. Histoire : processus par quoi la Vie essaie de rejoindre la réalité de ses songes. Histoire : processus par quoi la Vie tente de réaliser sa plus haute harmonie. Mais toujours dans l’Instant où elle se voit elle-même en la réflexion qu’elle vient à opérer sur elle-même en cette modalité du Vivant qu’est la réalité vivante de l’homme.

Tout s’enroule donc bien dans la Dimension pure d’extension du Vide surabondant de la Vie même, dans l’Espace.

— « C’est dans cette Vie qui tourne sur elle-même, mais ne s’habite pas elle-même dans son propre cercle, son propre ajustement et son propre fondement, que l’homme jette ses lacs et ses filets. » 2.

Espace et Temps : deux formes que la Vie se transfigure en la réalité humaine pour se dire à elle-même l’Ampleur de son éploiement. Deux formes pures, a priori, de la sensibilité de la réalité humaine, de la Sensibilité du Corps de la Panréalité sur elle-même.

  1. GA3:45 : « Schon aus dem bisherigen lässt sich entnehmen, dass die weiters Aufhellung des in der reinen Anschauung ursprünglich Vorstellten nur möglich wird wenn es gelingt eindringlicher ans Licht zubringen, in welchem Sinne die reine Anschauung “ursprünglichist, d.h. wie sie hier angeschautes entspringen lässt. »[]
  2. GA40:118 : « ln dieses insich rollende Leben, im eigenen Kreis und Gefüge und Grund ungewöhnlich, dahinein wirft der Mensch seine Schlingen und Netze,… »[]