« … et pourquoi des poétes en temps de détresse ?
Le mot de « temps » signifïe ici l’âge dont nous-mêmes faisons encore partie. Avec la venue et le sacrifice du Christ a commencé, pour l’expérience historiale de Hölderlin, la fin du jour des dieux. C’est la tombée du soir. Depuis que les « trois alliés substantiels », Héraclès, Dionysos et le Christ ont quitté le monde, le soir de cet âge décline vers sa nuit. La nuit du monde étend ses ténèbres. Désormais, l’époque est déterminée par l’éloignement du dieu, par le « défaut de dieu ». Ce défaut de dieu, éprouvé par Hólderlin, ne nie cependant pas la persistance d’un rapport chrétien à Dieu chez les individus et dans les églises ; il ne juge pas ce rapport de façon dépréciatrice. Le défaut de dieu signifie qu’aucun dieu ne rassemble plus, visiblement et clairement, les hommes et les choses sur soi, ordonnant ainsi, à partir d’un tel rassemblement, l’histoire du monde et le séjour humain en cette histoire. Mais encore pis s’annonce dans le défaut de dieu. Non seulement les dieux et le dieu se sont enfuis, mais la splendeur de la divinité s’est éteinte dans l’histoire du monde. Le temps de la nuit du monde est le temps de détresse, parce qu’il devient de plus en plus étroit. Il est même devenu si étroit, qu’il n’est même plus capabable de retenir le défaut de dieu comme défaut. [GA5, 323]