Lorsque nous avons pour la première fois renvoyé à l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] comme constitution fondamentale du Dasein, puis caractérisé ses moments structurels constitutifs, nous n’avons pas poussé au-delà de l’analyse de la constitution d’être, jusqu’à la considération phénoménale du mode d’être de celle-ci. Sans doute les modes fondamentaux possibles de l’être-à, la préoccupation [Besorgen] et la sollicitude [Fürsorge], ont-ils été décrits. Toutefois la question du mode d’être quotidien [alltäglich] de ces guises d’être est demeurée inélucidée. De plus, il est apparu que l’être-à est tout autre chose qu’un simple face-à-face considératif ou actif [avec le monde], c’est-à-dire qu’un être-ensemble-sous-la-main d’un sujet et d’un objet. Et pourtant, l’apparence devait forcément subsister que l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] fonctionnât comme un cadre fixe à l’intérieur duquel se déroulent – sans affecter elle-même ontologiquement ce « cadre » – les possibles comportements du Dasein par rapport à son monde. Néanmoins, ce soi-disant « cadre » co-constitue lui-même le mode d’être du Dasein. Un mode existential de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] s’atteste dans le phénomène de l’échéance. EtreTemps38
La « définition » de la vérité comme être-découvert et être-découvrant n’est pas davantage une simple explication verbale, mais elle provient de l’analyse des comportements du Dasein que nous avons coutume de qualifier de prime abord de « vrais ». EtreTemps44
De prime abord et le plus souvent, le Dasein se comprend à partir de ce qui lui fait encontre dans le monde ambiant et dont il se préoccupe circon-spectivement. Ce comprendre n’est pas une simple prise de connaissance de lui-même, qui se bornerait à accompagner tous les comportements du Dasein. Comprendre signifie se-projeter vers ce qui est à chaque fois la possibilité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], autrement dit exister en tant que cette possibilité. Ainsi, le comprendre comme entente constitue-t-il également l’existence inauthentique du On. Ce qui fait encontre à la préoccupation [Besorgen] quotidienne [alltäglich] dans l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] public, ce ne sont [388] pas seulement l’outil [Zeug] et l’ouvrage, mais aussi ce qui en « résulte » : les « affaires », les entreprises, les incidents et les accidents. Le « monde » en est à la fois le sol et le théâtre, et, comme tel, il appartient conjointement aux faits et gestes quotidien [alltäglich]s. Dans l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] public, les autres ne nous font encontre que dans une affaire où « l’on est soi-même plongé ». Et cette affaire, on la connaît, on la commente, on la promeut, on la combat, on la préserve et on l’oublie – mais toujours en n’ayant primairement d’yeux que pour ce qui se poursuit ainsi et ce qui en « sort ». Le progrès, la stagnation, le changement, le « bilan » du Dasein singulier, nous ne les évaluons de prime abord qu’à partir du cours, de l’état, du changement et de la disponibilité de l’étant offert à la préoccupation [Besorgen]. Si trivial que puisse être ce renvoi à la compréhension du Dasein qui caractérise l’entendement quotidien [alltäglich], il se trouve que, du point de vue ontologique, elle est rien moins que transparente. Car pourquoi, dans ces conditions, l’« enchaînement » du Dasein ne serait-il pas lui aussi déterminé à partir de ce dont on se préoccupe, de ce que l’on « vit » ? L’outil [Zeug], l’ouvrage, et tout ce auprès de quoi le Dasein se tient, tout cela ne co-appartient-il pas à son « histoire » ? Le provenir de l’histoire, dès lors, ne serait-il que le déroulement – considéré isolément – de « flux de vécus » dans les sujets singuliers ? EtreTemps75