Surgissant en soi, l’oeuvre ouvre un monde et le tient dans la demeurance. L’oeuvre installe un monde. Mais qu’est-ce que c’est que cela, un monde ? À propos de l’exemple du temple de Zeus, nous l’avons déjà suggéré, et maintenant encore le concept ne peut en être qu’indiqué. Pour le dire de manière préventive : le monde n’est pas le simple rassemblement de choses sous la main dénombrables ou innombrables. Mais le monde n’est pas non plus un cadre simplement imaginé, ajouté en représentation à la somme de l’étant sous la main. Le monde règne. Il est plus étant que les choses captables et calculables parmi lesquelles, quotidiennement, nous nous croyons à demeure. Le monde, surtout, n’est jamais un objet qui se tient devant nous, mais le toujours inobjectif auquel nous sommes sujets. Le monde tient nos faits et gestes captivés dans un ajointement de renvois à partir desquels le signe de la grâce des dieux et la frappe de leur disgrâce se présente et – se réserve. Même cette réserve est une guise, pour le monde, de régner. Tandis qu’un monde s’ouvre, toutes choses reçoivent pour la première fois leur apparaître et leur disparaître, leur lointain et leur proximité, leur expansion et leur resserrement. Là où sont prises, là où sont élaborées et abandonnées, là où sont questionnées et manquées les décisions sachantes et savantes fondamentales de notre Dasein, là est un monde. La pierre n’a pas de monde ; et pas d’avantage la plante, ni même l’animal : celui-ci a seulement la pression voilée d’un environnement où il s’insère (Hw. 33-34). OOA1935: II
Installation d’un monde, pro-duction de la terre sont les deux traits essentiels dans l’oeuvre. Ils ne sont point accidentellement accouplés, mais l’un requiert l’autre. Le monde que l’oeuvre ouvre en surgissant se tourne, en tant que milieu ajointant de tout décider qui sait, vers la terre et ne souffre rien d’indocile et de renfermé. Et la terre, que l’oeuvre, en produisant, laisse éclater, veut en son se-refermer être tout et tout enclore en soi. Mais c’est pour cela justement que la terre ne peut se passer du monde ouvert si elle doit elle-même apparaître dans le plein empressement de l’inclusion de toutes choses. Et le monde, à son tour, ne peut point s’envoler de la terre s’il doit, en tant que l’injonction qui ajointe et fait-signe, tenir tête à l’indocile. Le monde est vers la terre et la terre vers le monde. Ils sont en litige, et cela parce qu’ils s’appartiennent (Hw. 36-37). OOA1935: II