PHAINESTHAI

L’expression grecque phainomenon, à laquelle remonte le terme « phénomène », dérive du verbe phainesthai, qui signifie : se montrer ; phainomenon signifie donc : ce qui se montre, le manifeste ; phainesthai est lui-même une formation moyenne de phaino, mettre au jour, à la lumière ; phaino, appartient au radical pha ?, tout comme phos, la lumière, la clarté, c’est-à-dire ce où quelque chose peut devenir manifeste, en lui-même visible. Comme signification de l’expression « phénomène », nous devons donc maintenir ceci : ce-qui-se-montre-en-lui-même, le manifeste. Les phainomena, « phénomènes » sont alors l’ensemble de ce qui est au jour ou peut être porté à la lumière – ce que les Grecs identifiaient parfois simplement avec ta onta (l’étant). Or l’étant peut se montrer en lui-même selon des guises diverses, suivant le mode d’accès à lui. La possibilité existe même que l’étant se montre comme ce qu’en lui-même il n’est pas. En un tel se-montrer, l’étant « a l’air de… », « est comme si… ». Nous [29] appelons un tel se-montrer le paraître. Et c’est ainsi qu’en grec l’expression phainomenon, phénomène présente également la signification de : ce qui est comme si…, l’« apparent », l’« apparence » ; phainomenon agathon, désigne un bien qui est comme si – mais qui « en réalité » n’est pas ce comme quoi il se donne. L’essentiel, pour une compréhension plus poussée du concept de phénomène, est d’apercevoir comment ce qui est nommé dans les deux significations de phainomenon ( « phénomène » au sens de ce qui se montre, « phénomène » au sens de l’apparence) forme une unité structurelle. C’est seulement dans la mesure où quelque chose en général prétend par son sens propre à se montrer, c’est-à-dire à être phénomène, qu’il peut se montrer comme quelque chose qu’il n’est pas, qu’il peut « seulement avoir l’air de… » Dans la signification du phainomenon comme apparence est déjà co-incluse, comme son fondement même, la signification originelle (phénomène : le manifeste). Nous assignons terminologiquement le titre de « phénomène » à la signification positive et originelle de phainomenon, et nous distinguons le phénomène de l’apparence comme modification primitive du phénomène. Cependant, ce que l’un et l’autre termes expriment n’a d’abord absolument rien à voir avec ce que l’on appelle [ordinairement] « phénomène » [NT: Ici, Erscheinung, terme signifiant littéralement « apparition » (ainsi le traduirons-nous dans la suite), mais qu’il est courant de traduire par phénomène, chez Kant par exemple. Sinon, pour désigner le phénomène au sens phénoménologique de ce qui se montre, Heidegger emploie toujours le mot Phänomen = phénomène.] ou même « simple phénomène ». EtreTemps: §7

Logos en tant que discours signifie bien plutôt autant que deloun, rendre manifeste ce dont « il est parlé » (il est question) dans le discours. Cette fonction du parler, Aristote l’a explicitée de manière plus aiguë comme apophainesthai [NA: Cf. De interpretatione, chap. 1-6, et aussi Met., Z 4 et Eth. Nic., VI.]. Le logos fait voir (phainesthai) quelque chose, à savoir ce sur quoi porte la parole, et certes pour celui qui parle (voix moyenne), ou pour ceux qui parlent entre eux. Le parler « fait voir » apo… à partir de cela même dont il est parlé. Dans le parler (apophansis) pour autant qu’il est authentique, ce qui est dit doit être puisé dans ce dont il est parlé, de telle sorte que la communication parlante rende manifeste, en son dit, ce dont elle parle, et ainsi le rendre accessible à l’autre. Telle est la structure du logos comme apophansis. Toutefois ce mode de manifestation au sens d’un faire-voir qui met en lumière ne revient pas à tout « discours ». La prière (euche), par exemple, rend également manifeste, mais d’une façon différente. EtreTemps: §7