La phénoménologie est le mode d’accès à et le mode légitimant de détermination de ce qui doit devenir le thème de l’ontologie. L’ontologie n’est possible que comme phénoménologie. Le concept phénoménologique de phénomène désigne, au titre de ce qui se montre, l’être de l’étant, son sens, ses modifications et dérivés. Et le se-montrer n’est pas quelconque, ni même quelque chose comme l’apparaître. L’être de l’étant peut moins que jamais être quelque chose « derrière quoi » se tiendrait encore quelque chose « qui n’apparaît pas ».
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Considérée en son contenu, la phénoménologie est la science de l’être de l’étant — l’ontologie. Lors de notre éclaircissement des tâches de l’ontologie, nous est apparue la nécessité d’une ontologie-fondamentale ayant pour thème l’étant ontologico-ontiquement privilégié, le Dasein, mais aussi pour intention de se convoquer devant le problème cardinal, à savoir la question du sens de l’être en général. […]
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Ontologie et phénoménologie ne sont pas deux disciplines distinctes juxtaposées à d’autres disciplines philosophiques. Les deux titres caractérisent la philosophie elle-même quant à son objet et son mode de traitement. La philosophie est une ontologie phénoménologique universelle, partant de l’herméneutique du Dasein, laquelle, en tant qu’analytique de l’existence, a fixé le terme du fil conducteur de tout questionner philosophique là où il jaillit et là où il re-jaillit. [EtreTemps7]
Ce qui caractérise et distingue d’emblée la méthode de l’ontologie, c’est-à-dire de la philosophie en général, c’est qu’elle n’a rien de commun avec la méthode d’aucune des autres sciences qui toutes, en tant que sciences positives, traitent de l’étant. L’analyse du caractère de vérité de l’être montre cependant que l’être lui aussi se fonde pour ainsi dire dans un étant déterminé, à savoir le Dasein. Être il n’y a que s’il y a compréhension de l’être, c’est à dire si le Dasein existe. Cet étant revendique par conséquent, dans la problématique de l’ontologie, un primat insigne qui s’annonce à travers toutes les discussions au sujet des problèmes ontologiques fondamentaux, et principalement à travers la question fondamentale du sens de l’être en général. Pour élaborer cette question, et y répondre, une analytique générale du Dasein est d’abord requise. L’ontologie a donc pour discipline fondamentale l’analytique du Dásein. Ce qui a également pour conséquence [Abfolge] que l’ontologie ne se laisse pas fonder de manière purement ontologique. Sa propre possibilisation est renvoyée à un étant, à quelque chose d’ontique: le Dasein. L’ontologie a un fundamentum ontique, qui d’ailleurs ne cesse de transparaître d’un bout à l’autre de l’histoire de la philosophie, et se manifeste par exemple déjà à travers cette déclaration aristotélicienne: la science première, la science de l’être est théologie. La philosophie, dans ses possibilités et ses destinées, dans la mesure où elle est l’oeuvre de la liberté du Dasein de l’homme, demeure rivée à son existence, c’est-à-dire à la temporalité et par là à l’historicité, en un sens plus originel que toute autre science. La première tâche d’une élucidation du caractère scientifique de l’ontologie est donc de mettre en évidence son fundamentum ontique et de caractériser cette fondation (Fundierung). [PFPhenoheno 38]