Hygin

Hygin (SZ)

L’auto-explicitation du Dasein comme souci qu’on va lire est déposée dans une vieille fable (NA: C’est en consultant l’essai de K. BURDACH, « Faust und die Sorge » (« Faust et le souci »), dans Deutsche Viertel-jahrschrift fur Litteraturwissenschaft und Geistesgeschichte, 1, 1923, p. 1 sq. que l’auteur a rencontré ce témoignage préontologique en faveur de l’interprétation ontologico-existentiale du Dasein comme souci. Burdach montre que Goethe a reçu de Herder cette fable sur la cura — qui est transmise comme 220ème fable d’Hygin — et l’a exploitée dans la seconde partie de son Faust : v. notamment les vers 40 sq. — Le texte ci-dessus est cité d’après F. BÜCHELER, dans Rheinisches Museum, 41, 1886, p. 5, et traduit d’après BURDACH, op. cit., p. 41 sq.) :
Cura cum fluvium transiret, videt cretosum lutum
sustulitque cogitabunda atque coepit fingere.
Dum deliberat quid iam fecisset, Jovis intervenit.
Rogat eum Cura ut det illi spiritum, et facile impetrat.
Cui cum vellet Cura nomen ex sese ipsa imponere,
Jovis prohibuit suumque nomen ei dandum esse dictitat.
Dum Cura et Jovis disceptant, Tellus surrexit simul
suumque nomen esse volt cui corpus praebuerit suum.
Sumpserunt Saturnum judicem, is sic aecus judicat : (198)
« Tu Jovis quia spiritum dedisti, in morte spiritum,
tuque Tellus, quia dedisti corpus, corpus recipito,
Cura enim quia prima finxit, teneat quamdiu vixerit,
Sed quae nunc de nomine eius vobis controversia est,
homo vocetur, quia videtur esse factus ex humo. »

Un jour que le « Souci » traversait un fleuve, il aperçut un limon argileux : songeur, il en prit un morceau et se mit à le façonner. Tandis qu’il réfléchissait à ce qu’il avait créé, Jupiter survient. Le « Souci » lui demande de prêter un esprit au morceau d’argile façonné : il y consent volontiers. Mais lorsque le « Souci » voulut imposer à la créature son propre nom, Jupiter le lui interdit, exigeant que son nom à lui lui fût donné. Tandis qu’ils disputaient de ce nom, la Terre (Tellus) surgit à son tour, désirant que l’image reçût son propre nom, puisqu’elle lui avait prêté une parcelle de son corps. Les querelleurs prirent Saturne pour arbitre, qui leur signifia cette décision apparemment équitable : « Toi, Jupiter, qui lui as donné l’esprit, tu dois à sa mort recevoir son esprit ; toi, Terre, qui lui as offert le corps, tu dois recevoir son corps. Mais comme c’est le “Souci” qui a le premier formé cet être, alors, tant qu’il vit, que le “Souci” le possède. Comme cependant il y a litige sur son nom, qu’il se nomme homo, puisqu’il est fait d’humus (de terre). » (EtreTemps42)