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Sein und Zeit

Être et temps : § 82. Dissociation de la connexion ontologico-existentiale entre temporalité, Dasein et temps du monde par rapport à la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit.

Ser e Tempo

quinta-feira 17 de julho de 2014, por Cardoso de Castro

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MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

Introduction

L’histoire, qui est essentiellement histoire de l’esprit, se déroule « dans le temps ». Donc, « le développement de l’histoire tombe dans le temps » [1]. Hegel  , cependant, ne se contente point de poser l’intratemporalité de l’esprit comme un fait, mais il cherche à comprendre la possibilité que l’esprit tombe dans le temps, lequel est « le sensible non-sensible » [2]. Le temps doit pour ainsi dire pouvoir accueillir l’esprit qui, à son tour, doit être apparenté au temps et à son essence. Par suite, il convient ici d’élucider les deux points suivants : 1. Comment Hegel   délimite-t-il l’essence du temps ? 2. Qu’est-ce qui, dans l’essence de l’esprit, lui donne la possibilité « de tomber dans le temps » ? La réponse à ces deux questions servira simplement à préciser, par contraste avec celle de Hegel  , l’interprétation précédente du Dasein comme temporalité. Elle n’élève aucune prétention à traiter, ne serait-ce qu’avec une complétude seulement relative, la multiplicité de problèmes qui, chez Hegel   justement, leur sont liés, et cela d’autant moins que son intention n’est nullement de « critiquer » Hegel  . Si une dissociation de l’idée de la temporalité qui a été exposée par rapport au concept hegélien du temps s’impose, c’est parce que ce concept représente l’élaboration conceptuelle la plus radicale - et qui plus est trop peu remarquée - de la compréhension vulgaire du temps.

Hegel - Temps

a) Le concept hegélien du temps.

Le « lieu systématique » où une interprétation du temps est accomplie peut valoir comme critère de la conception fondamentale du temps qui en est alors directrice. La première explicitation thématique traditionnelle de la compréhension vulgaire du temps se trouve dans la Physique d’Aristote  , c’est-à-dire dans le contexte d’une ontologie de la nature. Le « temps » se tient alors en connexion avec le « lieu » et le « mouvement ». Or l’analyse du [429] temps par Hegel   trouve sa place, en toute fidélité à la tradition, dans la deuxième partie de son Encyclopédie des Sciences philosophiques, intitulée : « Philosophie de la nature ». La première section de celle-ci traite de la « Mécanique », dont le premier chapitre est consacré à l’élucidation de « l’espace et du temps ». Ceux-ci sont l’« extériorité abstraite » [3].

Bien que Hegel   associe l’espace et le temps, il ne se borne pas pour autant à les juxtaposer de manière extérieure : l’espace « et aussi le temps ». « La philosophie combat cet aussi », dit-il. Le passage de l’espace au temps ne signifie pas le simple ajointement des paragraphes qui leur sont respectivement consacrés ; au contraire, c’est « l’espace lui-même qui passe ». L’espace « est » temps, c’est-à-dire que le temps est la « vérité » de l’espace [4]. Que l’espace soit dialectiquement pensé en ce qu’il est, et alors cet être de l’espace, selon Hegel  , se dévoile comme temps. Comment faut-il alors penser l’espace ?

L’espace est « l’indifférence sans médiation de l’extériorité de la nature » [5]. Cela veut dire : l’espace est la pluralité abstraite des points distinctibles en lui. Par ceux-ci, l’espace n’est point interrompu, mais il ne naît pas non plus d’eux, surtout pas par voie de juxtaposition. Distingué par les points distinctibles qui sont eux-mêmes espace, l’espace demeure quant à lui in-distinct, sans différences. Les différences sont elles-mêmes du caractère de ce qu’elles distinguent. Néanmoins le point, dans la mesure où en général il distingue quelque chose dans l’espace, est la négation de l’espace, mais cela de telle manière que, en tant que cette négation (le point est bel et bien espace), il demeure lui-même dans l’espace. Le point ne se dégage pas de l’espace comme un autre que l’espace. L’espace est l’extériorité sans différence de la multiplicité des points. Mais l’espace n’est pas pour autant point, mais, comme dit Hegel  , « ponctualité » [6]. Tel est le fondement de la proposition où Hegel   pense l’espace en sa vérité, c’est-à-dire comme temps : « Mais la négativité qui, comme point, se rapporte à l’espace et développe en lui ses déterminations comme ligne et surface n’en est pas moins, dans le domaine de l’être hors de [430] soi, pour elle-même et y posant ses déterminations, mais en même temps comme dans le domaine de l’extériorité, et, par conséquent, apparaissant comme indifférente à l’égard du paisible l’un-à-côté-de-l’autre. Ainsi posée pour soi, elle est le temps » [7].

Lorsque l’espace est représenté, c’est-à-dire immédiatement intuitionné dans la subsistance indifférente de ses différences, les négations sont alors pour ainsi dire purement et simplement données. Mais ce représenter ne saisit pas encore l’espace en son être. Cela n’est possible que dans la pensée, en tant que synthèse qui a traversé la thèse et l’antithèse et les assume. L’espace n’est pensé, et ainsi saisi en son être que si les négations ne subsistent pas simplement en leur indifférence, mais sont assumées, c’est-à-dire elles-mêmes niées. Dans la négation de la négation (la ponctualité), le point se pose pour soi, et il se dégage ainsi de l’indifférence de la subsistance. En tant que posé pour soi, il se distingue de celui-ci et celui-là, il n’est plus celui-ci et pas encore celui-là. Avec le se-poser pour soi-même, il pose le l’un-après-l’autre où il se trouve, la sphère de l’extériorité, qui est désormais celle de la négation niée. L’assomption de la ponctualité comme indifférence signifie un ne-plus-gésir dans le « calme paralysé » de l’espace. Le point « se raidit » (spreizt sich auf) vis-à-vis de tous les autres points. Cette négation de la négation comme ponctualité est, selon Hegel  , le temps. Si cette élucidation doit avoir en général un sens légitimable, alors c’est qu’elle ne veut rien dire d’autre que ceci : le se-poser-pour-soi de chaque point est un maintenant-ici, maintenant-ici, etc. Tout point « est », posé pour soi, un point-de-maintenant. « C’est donc dans le temps que le point a de l’effectivité ». Ce par quoi le point peut à chaque fois se poser comme ce-point-ci, est à chaque fois un maintenant. La condition de possibilité du se-poser-pour-soi du point est le maintenant. Cette condition de possibilité constitue l’être du point, et l’être est en même temps l’être-pensé. Puis donc que la pensée pure de la ponctualité, c’est-à-dire de l’espace, « pense » à chaque fois le maintenant et l’extériorité des maintenant, l’espace « est » le temps. Comment celui-ci est-il lui-même déterminé ?

« Le temps, en tant que l’unité négative de l’extériorité, est également un purement-et-simplement abstrait, idéel. - Il est l’être qui, tandis qu’il est, n’est pas, et, tandis qu’il n’est pas, est : le devenir intuitionné ; ce qui veut dire que les différences, qui sont certes purement-et-simplement momentanées, se supprimant immédiatement, sont déterminées comme extérieures, mais extérieures à elles-mêmes » [8]. Le temps se dévoile à cette explicitation comme le « devenir intuitionné ». Ce dernier, suivant Hegel  , signifie un passage de l’être au [431] rien, ou du rien à l’être [9]. Le devenir est aussi bien naître que périr. L’être - ou le non-être - « passe ». Or qu’est-ce que cela signifie par rapport au temps L’être du temps est le maintenant ; mais dans la mesure où tout maintenant n’est plus « maintenant » ou n’est pas encore « maintenant », il peut être également saisi comme non-être. Le temps est le devenir « intuitionné », c’est-à-dire le passage qui n’est pas pensé, mais s’offre purement et simplement dans la suite des maintenant. Si l’essence du temps est déterminée comme « devenir intuitionné », alors il se révèle du même coup que le temps est primairement compris à partir du maintenant, et cela tel qu’il est trouvable par le pur intuitionner.

Il n’est pas besoin d’une élucidation circonstanciée pour montrer que Hegel  , avec cette interprétation du temps, se meut résolument dans la direction de la compréhension vulgaire du temps. La caractérisation par Hegel   du temps à partir du maintenant présuppose que celui-ci demeure recouvert et nivelé en sa structure pleine afin de pouvoir être intuitionné comme un sous-la-main, tout « idéel » qu’est celui-ci.

Que Hegel   accomplisse l’interprétation du temps à partir d’une orientation primaire sur le maintenant nivelé, les propositions suivantes l’attestent : « Le maintenant a un droit exorbitant - il n’"est" rien que le maintenant singulier, mais cet excluant en son raidissement est dissous, écoulé, pulvérisé tandis que je l’énonce » [10]. « Du reste, dans la nature, où le temps est maintenant, l’on n’en arrive point à la différence subsistante de ces dimensions » (il s’agit du passé et de l’avenir) [11]. « Au sens positif du temps, on peut donc dire : seul le présent est, l’avant et l’après n’est pas ; mais le présent concret est le résultat du passé et il est gros de l’avenir. Le présent véritable est ainsi l’éternité » [12].

Si Hegel   appelle le temps le « devenir intuitionné », c’est donc que ni le naître ni le périr n’ont en lui de primauté. Néanmoins, il caractérise à l’occasion le temps comme l’« abstraction du consumer », portant ainsi l’expérience et l’explicitation vulgaires du temps à leur formulation la plus radicale [13]. D’un autre côté, Hegel   est suffisamment conséquent pour ne point accorder, dans la définition proprement dite du temps, au consumer et au périr cette primauté qui, pourtant, est maintenue à bon droit dans l’expérience quotidienne du temps ; car [432] cette primauté, il serait tout aussi peu en mesure de la fonder dialectiquement que la « circonstance » - produite par lui comme une « évidence » - selon laquelle, dans le se-poser-pour-soi du point, c’est justement le maintenant qui surgit. Et ainsi Hegel  , même dans sa caractérisation du temps comme devenir, comprend celui-ci dans un sens « abstrait » qui va encore au-delà de la représentation du « flux » du temps. L’expression la plus adéquate de la conception hegélienne du temps réside par conséquent dans la détermination du temps comme négation de la négation (c’est-à-dire la ponctualité). Ici, la séquence des maintenant est formalisée à l’extrême et nivelée de façon insurpassable [14]. C’est seulement à partir de ce concept formel-dialectique du temps que Hegel   peut établir une connexion entre temps et esprit.

Hegel - Temps et Esprit

[433]

b) L’interprétation hegélienne de la connexion entre temps et esprit.

Comment maintenant l’esprit est-il lui-même compris pour qu’il puisse être dit qu’il lui est conforme, dans sa réalisation, de tomber dans le temps déterminé comme négation de la négation ? L’essence de l’esprit est le concept. Par ce terme, Hegel   n’entend pas l’universel intuitionné d’un genre comme forme d’un pensé, mais la forme de la pensée se pensant elle-même : c’est le se-concevoir - en tant que saisie du non-Moi. Dans la mesure où le saisir du non-Moi représente un différencier, il y a dans le concept pur comme saisie de ce différencier un différencier de la différence. C’est pourquoi Hegel   peut déterminer l’essence de l’esprit de manière formelle-apophantique comme négation de la négation. Cette « négativité absolue » offre l’interprétation logiquement formalisée du cogito cogitare rem où Descartes   voit l’essence de la conscientia.

Le concept est ainsi la conception auto-concevante du Soi-même, conception où le Soi-même est proprement comme il peut être, à savoir libre. « Moi est le concept pur lui-même qui comme concept est venu à l’être-là » [15]. « Mais Moi est cette unité premièrement pure, se rapportant à elle-même, et cela non pas immédiatement, mais tandis qu’il fait abstraction de toute déterminité et contenu et retourne à la liberté de l’égalité sans bornes avec soi-même » [16]. [434] Ainsi le Moi est-il « universalité », et tout aussi bien immédiatement « singularité ».

Ce nier de la négation est tout uniment l’« inquiétude absolue » de l’esprit et son auto-manifestation, qui appartient à son essence. Le « progresser » de l’esprit se réalisant dans l’histoire contient en soi un « principe d’exclusion » [17]. Celle-ci, cependant, ne devient pas un rejet de ce qui est exclu, mais son surmontement. Le se-libérer qui surmonte et en même temps supporte, soutient, caractérise la liberté de l’esprit. Le « progrès », par suite, ne signifie jamais un plus simplement quantitatif, mais il est essentiellement qualitatif, et cela selon la qualité de l’esprit. Le « progresser » est su, et il se sait dans son but. En toute étape de son « progrès », l’esprit a à se « surmonter » soi-même comme l’obstacle véritablement hostile à sa finalité [18]. Le but du développement de l’esprit est « d’atteindre son concept propre » [19]. Le développement lui-même est « un combat dur, infini contre soi-même » [20].

Comme l’inquiétude du développement de l’esprit se portant à son concept est la négation de la négation, il lui demeure conforme, tandis qu’il se réalise, de tomber « dans le temps » comme dans la négation immédiate de la négation. Car « le temps est le concept lui-même qui est là et se représente à la conscience comme intuition vide ; c’est pourquoi l’esprit apparaît nécessairement dans le temps, et il apparaît dans le temps aussi longtemps qu’il ne saisit pas son concept pur, c’est-à-dire n’élimine pas le temps. [Le temps] est le pur Soi-même extérieur, intuitionné par le Soi-même, non pas saisi, le concept seulement intuitionné » [21]. Ainsi l’esprit apparaît-il nécessairement, de par son essence, dans le temps. « L’histoire du monde est donc en général l’explicitation de l’esprit dans le temps, tout comme l’idée s’explicite comme nature dans l’espace » [22]. L’« exclure » qui appartient au mouvement du développement abrite en soi une relation au non-être. C’est le temps, compris à partir du maintenant qui se « raidit ».

Le temps est la négativité « abstraite ». En tant que « devenir intuitionné », il est le se-différencier immédiatement trouvable, différencié, le concept « étant là », c’est-à-dire [435] sous-la-main. En tant que sous-la-main, donc qu’élément extérieur de l’esprit, le temps n’a pas de puissance sur le concept, c’est bien plutôt le concept qui « est la puissance du temps » [NA: Cf. Enzyklopädie, §258.].

Hegel   montre la possibilité de la réalisation historique de l’esprit « dans le temps » en revenant vers la mêmeté de la structure formelle de l’esprit et du temps comme négation de la négation. C’est l’abstraction la plus vide, formalo-ontologique et formalo-apophantique où esprit et temps sont aliénés qui possibilise l’établissement d’une parenté des deux. Mais comme le temps n’en est pas moins conçu en même temps au sens du temps-du-monde purement et simplement nivelé, et que sa provenance demeure ainsi totalement recouverte, il se borne à faire face à l’esprit comme un étant sous-la-main. C’est pourquoi l’esprit doit nécessairement tout d’abord tomber « dans le temps ». Mais que signifie ontologiquement cette « chute », ainsi que la « réalisation » de l’esprit doué de puissance sur le temps et « étant » à proprement parler en dehors de lui, voilà qui reste obscur. Tout aussi peu Hegel   met au jour l’origine du temps nivelé, tout aussi résolument il laisse sans examen la question de savoir si la constitution essentielle de l’esprit comme nier de la négation est en général autrement possible que sur la base de la temporalité originaire.

L’interprétation hegélienne du temps et de l’esprit, ainsi que de leur liaison est-elle légitime et repose-t-elle en général sur des fondements ontologiquement originaires, cela ne peut encore être élucidé. Toutefois, que la « construction » formelle-dialectique de la connexion entre esprit et temps puisse en général être risquée, c’est là quelque chose qui manifeste une parenté originaire des deux. La « construction » de Hegel   trouve sa motivation dans un effort et un combat pour une conception de la « concrétion » de l’esprit. C’est ce qu’annonce la phrase suivante, tirée du chapitre terminal de sa Phénoménologie de l’esprit : « Le temps apparaît donc comme le destin et la nécessité de l’esprit qui n’est pas accompli en soi - la nécessité d’enrichir la part que la conscience de soi a à la conscience, de mettre en mouvement l’immédiateté de l’en soi - la forme où est la substance dans la conscience -, ou, inversement, de réaliser et de manifester l’en soi - pris comme l’intérieur, ce qui n’est d’abord qu’intérieur -, c’est-à-dire de le revendiquer et de le lier à la certitude de soi-même » [23].

L’analytique existentiale qui précède s’installe au contraire d’emblée dans la « concrétion » de l’existence facticement jetée, afin de dévoiler la temporalité comme sa [436] possibilisation originaire. L’« esprit » ne tombe pas tout d’abord dans le temps, mais il existe comme temporalisation originaire de la temporalité. Celle-ci temporalise le temps du monde, dans l’horizon duquel l’« histoire » peut « apparaître » comme provenir intratemporel. Loin que l’« esprit » tombe dans le temps, c’est l’existence factice qui, en temps qu’échéance, « choit » de la temporalité originaire, authentique. Mais ce « choir » a lui-même sa possibilité existentiale dans un mode de temporalisation de la temporalité inhérent à celle-ci.


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]


[1HEGEL, Die Vernunft in der Geschichte. Einleitung in die Philosophie der Weltgeschichte (NT: La raison dans l’histoire, Introduction à la philosophie de l’histoire universelle), éd. G. Lasson, 1917, p. 133.

[2Ibid.

[3HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse, éd. G. Bolland, Leyde, 1906, §§254 sq. Cette édition donne également les « additions » tirées des cours de Hegel. (NT: Cf. Encyclopédie, trad. fr. M. de Gandillac, p. 244 sq.)

[4Id., §257, addition.

[5Id., §254.

[6Id., §254, addition.

[7Id., éd. critique de J. Hoffmeister, 1949, §257.

[8Id., §258.

[9Cf. HEGEL, Wissenschaft der Logik, Livre I, section 1, chapitre 1, éd. G. Lasson, 1923, t. I, p. 66 sq. (NT: Cf. Science de la Logique, trad. fr. P.J. Labarrière et G. Jarczick, t. I (texte de 1812), 1972, p. 57 sq.)

[10Cf. Enzyklopädie, §258, addition.

[11Id., §259.

[12Ibid., addition.

[13Id., §258, addition.

[14De la primauté du maintenant nivelé, il appert que la détermination conceptuelle du temps par Hegel suit elle aussi la tendance de la compréhension vulgaire du temps, c’est-à-dire en même temps du concept traditionnel du temps. Il est possible de montrer que le concept hegélien du temps est même directement puisé dans la Physique d’Aristote. En effet, dans la Logique d’Iéna (cf. l’éd. G. Lasson, 1923), qui fut esquissée au temps de l’habilitation de Hegel, l’analyse du temps de l’Encyclopédie est déjà configurée en tous ses éléments essentiels. Or la section qu’elle consacre au temps (p. 202 sq.) se révèle même à l’examen le plus sommaire comme une paraphrase du traité aristotélicien du temps. Hegel, dès sa Logique d’Iéna, développe sa conception du temps dans le cadre de la philosophie de la nature (p. 186), dont la première partie est intitulée : « Système du Soleil » (p. 195). C’est en annexe à une détermination conceptuelle de l’éther et du mouvement que Hegel élucide le concept de temps. (L’analyse de l’espace, en revanche, est encore subordonnée à celle du temps.). Bien que la dialectique perce déjà, elle n’a pas encore ici la forme rigide, schématique qu’elle prendra plus tard, mais rend encore possible une compréhension souple des phénomènes. Sur le chemin qui conduit de Kant au système élaboré de Hegel s’accomplit une fois encore une percée décisive de l’ontologie et de la logique aristotéliciennes. Ce fait, sans doute, est depuis longtemps bien connu ; et pourtant les voies, les modalités et les limites de cette influence demeurent aujourd’hui encore tout aussi obscures. Une interprétation philosophique comparative concrète de la Logique d’Iéna de Hegel et de la Physique et de la Métaphysique d’Aristote apportera une lumière nouvelle. Pour éclairer notre méditation ci-dessus, quelques indications grossières peuvent ici nous suffire : Aristote voit l’essence du temps dans le nun, Hegel dans le maintenant. A. saisit le nun, comme horos, Hegel le maintenant comme « limite ». A. comprend le nun, comme stigme. H. interprète le maintenant comme point. A. caractérise le nun comme tode ti. H. appelle le maintenant le « ceci absolu ». A., en conformité à la tradition, met en relation le chronos avec la sphaira, Hegel met l’accent sur le « cours circulaire » du temps. À Hegel, bien entendu, échappe la tendance centrale de l’analyse aristotélicienne du temps, qui est de mettre à découvert entre nun, horos, stigme, tode ti une connexion de dérivation (akolouthein). - Quelles que soient les différences qui l’en séparent dans le mode de justification, la conception de Bergson s’accorde quant à son résultat avec la thèse de Hegel : l’espace « est » temps. Simplement, Bergson dit à l’inverse : le temps est espace. Du reste, la conception bergsonienne du temps provient elle aussi manifestement d’une interprétation du traité aristotélicien du temps. Ce n’est pas simplement une concomitance littéraire extérieure si, en même temps que l’Essai de Bergson sur les données immédiate de la conscience, où est exposé le problème du « temps » et de la « durée », parut un autre essai du même intitulé : Quid Aristoteles de loco senserit. En référence à la détermination aristotélicienne du temps comme arithmos kineseos Bergson fait précéder l’analyse du temps d’une analyse du nombre. Le temps comme espace (cf. Essai, p. 69) est succession quantitative. Par opposition à ce concept du temps, la durée est décrite comme succession qualitative. Ce n’est pas ici le lieu d’engager un débat critique avec le concept bergsonien du temps et les autres conceptions actuelles du temps. Indiquons seulement que, si ces analyses ont en général conquis quelque chose d’essentiel par rapport à Aristote et à Kant, ce gain concerne davantage la saisie du temps et la « conscience du temps ». - Cela dit, nos indications au sujet de la connexion directe qui existe entre le concept hegélien du temps et l’analyse aristotélicienne du temps n’a point pour but d’attribuer à Hegel une « dépendance », mais d’attirer l’attention sur la portée ontologique fondamentale de cette filiation pour la logique hegélienne. - Sur « Aristote et Hegel », v. aussi l’essai ainsi intitulé de N. HARTMANN dans les « Beiträge zur philosophie des deutschen Idealismus », t. III, 1923, p. 1-36.

[15Cf. Hegel, Wiss. d. Logik, éd. citée, t. II, 2ème partie, p. 220 (NT: trad. citée, t. III, 1981, p. 44)

[16Ibid.

[17Cf. Hegel, Die Vernunft in der Geschichte, éd. citée, p. 130.

[18Id., p. 132.

[19Ibid.

[20Ibid.

[21Cf. Phänomenologie des Geistes, dans Werke, t. II, 1832, p. 604 (NT: trad. fr. J. Hyppolite, t. II, 1941, p. 305)

[22Cf. Die Vernuft in der Geschichte, éd. citée, p. 134.

[23Cf. Phänomenologie des Geistes, éd. citée, p. 605 (NT: trad. citée, t. II, p. 305)