énoncé

Aussage [SZ] enunciado [SZ] statement [BT]

Dans ce qui suit, nous assignons au titre d’énoncé trois significations qui, puisées dans le phénomène même ainsi désigné, sont interdépendantes et délimitent en leur unité la structure pleine de l’énoncé.

1. Énoncé signifie primairement mise en évidence. Nous maintenons ainsi le sens originaire du logos comme apophansis : faire voir l’étant à partir de lui-même. Dans l’énoncé : « le marteau est trop lourd », ce qui est découvert pour la vue n’est pas un « sens », mais un étant dans la guise de son être-à-portée-de-la-main. Même lorsque l’étant ne se trouve pas dans une proximité saisissable et « visible », la mise en évidence vise l’étant lui-même et non pas par exemple une simple représentation de lui, qu’elle soit prise au sens d’un « simple représenté » ou au sens d’un état psychique de celui qui énonce, de son acte de représentation de cet étant.

2. Énoncé signifie autant que prédication. Un « prédicat » est « énoncé » d’un « sujet », celui-ci est déterminé par celui-là. La chose énoncée, dans cette signification de l’énoncé, n’est pas par exemple le prédicat, mais « le marteau lui-même ». Quant à l’énonçant, c’est-à-dire au déterminant, il se trouve au contraire dans le « trop lourd ». Le contenu énoncé selon le second sens de l’énoncé, le déterminé comme tel, a subi, par rapport au contenu énoncé selon la première signification, une restriction. Toute prédication n’est ce qu’elle est qu’en tant que mise en évidence. La deuxième signification de l’énoncé a son fondement dans la première. Les membres de l’articulation prédicatrice — sujet, prédicat — prennent naissance à l’intérieur de la mise en évidence. Le déterminer ne découvre pas pour la première fois, mais, en tant que mode de la mise en évidence, il restreint justement d’abord le voir à ce qui se montre (le marteau) comme tel, afin de rendre expressément manifeste, par la restriction expresse du regard, le manifeste en sa déterminité [Bestimmtheit]. Par rapport à ce qui est déjà manifeste — au marteau trop lourd —, le déterminer commence par faire un pas en arrière ; la « position du sujet » réduit l’étant à « ce marteau, là » afin de faire voir, par la suppression de cette réduction, le manifeste en sa déterminité [Bestimmtheit] déterminable. Position du sujet, position du prédicat sont — tout comme leur ap-position — de part en part « apophantiques » au sens le plus strict du mot.

3. Énoncé signifie communication, prononcement. En tant que tel, il a un rapport direct à l’énoncé au premier et au deuxième sens. Il est un faire-voir-avec de ce qui est mis en évidence selon la guise du déterminer. Ce faire-voir-avec partage l’étant mis en évidence en sa déterminité [Bestimmtheit] avec les autres. Ce qui est « partagé », c’est l’être — voyant en commun — pour le mis en évidence, un tel être pour… lui devant être pensé être-au-monde [In-der-Welt-sein] — à ce monde à partir duquel le mis en évidence fait encontre. À l’énoncé comme communication ainsi comprise existentialement appartient l’être-ex-primé. Le contenu énoncé en tant que communiqué peut être « partagé » avec l’énonçant par les autres, sans que ceux-ci aient eux même dans une proximité saisissable et visible l’étant mis en évidence et déterminé. Le contenu énoncé peut être « re-dit ». Le cercle de cette vision communicative s’élargit. Mais en même temps, il se peut que l’étant mis en évidence, en étant ainsi re-dit, soit justement à nouveau voilé, quand bien même ce savoir et ce connaître qui proviennent ainsi d’un ouï-dire visent encore et toujours l’étant lui-même et ne se contentent pas d’« affirmer » à son propos un « sens passant pour valable ». Même le ouï-dire est un être-au-monde [In-der-Welt-sein] et un être pour… ce qui est ouï. [EtreTemps33]