Vorhanden

Vorhanden, Vorhandenen, Vorhandenes, à-la-main, à mão, diante das mãos, lo que está ahí, está-ahí, extant on hand, subsistente, ser simplesmente dado, Nur-noch-Vorhandene, meramente presente

(…) lo Vorhandenes es lo que no hace más que estar-ahí; es, si se quiere, «pura presencia». A veces, muy pocas veces, por razones estilísticas traduciremos Vorhandenes, o derivados suyos, por la expresión «meramente presente» o formas similares. (Rivera; STJR:Notas)


Sin embargo, esta interpretación de la conversión del Dasein en mero-estar-ahí yerra el fenómeno en la medida en que el ente que queda no se reduce a una mera cosa corpórea. El mismo cadáver ahí presente sigue siendo, desde un punto de vista teorético, un objeto posible de la anatomía patológica, cuya manera de comprender queda orientada por la idea de la vida. Lo meramente-presente (NT: «Lo meramente presente»: en alemán, das Nur-noch-Vorhandene.)) es «más» que una cosa material sin vida. En él comparece un no-viviente que ha perdido la vida. (SZ:238; STJR:255)


VIDE: (Vorhanden->http://hyperlexikon.hyperlogos.info/modules/lexikon/search.php?option=1&term=Vorhanden)

subsistente (QCOISA)
sous-la-main (ETEM)

NT (E. Martineau): Si notre refus de traduire Dasein autrement que par lui-même n’appelle point d’explication ou d’« excuse » particulière — « tout comme le grec logos ou le chinois tao, disait un jour Heidegger lui-même à J. Beaufret, Dasein est intrinsèquement intraduisible » (NT: Tout en garantissant l’authenticité de ce logion — et j’en profite aussi pour dire tout ce que notre « système » de transpositions doit à seize années d’échange amical avec Jean Beaufret — je rappelle que la moins mauvaise traduction déjà utilisée : « être-le-Là » (G. Kahn), si elle l’emporte évidemment sur « réalité-humaine » (H. Corbin) ou sur « être-là » (BW) reste loin de compte. Pourquoi ? Simplement parce ce que ce qui est en cause est la manière d’être ce Là, ou, inversement, le fait que le Là n’est pas quelque chose d’« existant » (au sens ordinaire), mais, si l’on ose dire, d’« existé ». Or cela, le mot allemand Dasein, s’il ne le disait assurément pas avant Heidegger, peut, par une espèce de magie propre, le dire : « le Dasein est l’être du Là » (p. (132), et « le Da-sein (du monde) est l’être-à », p. (143)). En dire plus exigerait d’entrer, ni plus ni moins, dans une interprétation philosophique de la totalité de S.u.Z..) —, il semble malheureusement qu’il doive en aller autrement pour nos traductions nouvelles des mots vorhanden et zuhanden (348, resp. 318 emplois) ou Vorhandenheit et Zuhandenheit (NT: 60, resp. 46 occurrences, auxquelles il faut ajouter 34 Vorhandensein et 5 Zuhandensein. On voit par ces statistiques l’importance — matérielle — du problème : aussi, je ne crains pas d’être un peu long sur ce sujet.) par (être-)sous-la-main et (être-)à-portée-de-la-main. En effet, bien que nous nous soyons expliqué naguère assez clairement sur ces choix (que nous devons, redisons-le, à François Fédier), et n’ayons trouvé, au cours d’un long usage, qu’à nous en féliciter, une récente polémique de J.-F. Courtine nous contraint à revenir sur un problème que nous croyions non certes avoir résolu, mais, tout à l’inverse, réussi à laisser suffisamment ouvert pour qu’on hésitât à le re-fermer de manière aussi naïve que notre contradicteur. Mais écoutons celui-ci tout au long :
« Il nous a paru impossible de nous régler sur la transposition adoptée par E. Martineau dans sa traduction du t. XXV de la G.A. Il peut en effet être souhaitable comme le demande le traducteur, de “maintenir le mot main” dans la traduction de Vorhandenheit (d’où “être-sous-la-main”) ; cela s’impose même nécessairement quand, comme ici (Grundprobleme der Phänomenologie, p. (143), (147), (153)), Heidegger entend le Vorhandenes au sens de ce qui est “en main” ou “maniable” (handlich), de ce qui vient “devant” ou “sous la main” (vor die Hand), de ce qui implique toujours en dernière instance une référence à l’agir ou au manier (Handeln). Mais cette traduction-explicitation qui vaut de telle analyse précise dans un contexte déterminé (quand il s’agit en particulier de reconduire les concepts fondamentaux de l’ontologie grecque à l’horizon ultime de la production), ne permet plus, semble-t-il, d’établir l’opposition stricte et élémentaire entre la Vorhandenheit, d’une part, quand elle explicite par exemple le concept kantien de Dasein ou l’existentia chez Suarez, quand elle détermine le mode d’être de l’étant projacent (Vorliegendes), et la Zuhandenheit, d’autre part, pour autant qu’elle caractérise en propre le mode d’être de l’outil, sa disponibilité.
La distinction n’est plus alors celle (bien improbable) du “sous-la-main” et du “à-portée-de-la-main”, mais, comme le suggérait J. Beaufret, celle de ce qui est simplement présent “sous les yeux” et de ce qui est “à-portée-de-la-main” (Dialogue avec Heidegger, t. III, 1974, p. 136). Avouons enfin que le “balancement entre l’étant sous-la-main (vorhanden) et l’étant à-portée-de-la-main (zuhanden)” vanté par le traducteur nous est presque (?) entièrement imperceptible, tout comme la possible nuance entre ces deux expressions. (Note : Il ne suffit pas de décréter péremptoirement une telle nuance pour la faire apparaître ou la fonder. Son caractère flottant ressort a contrario de la référence allusive que fait E. M. à la traduction de F. Fédier qui, dans Temps et Être, restituait précisément, et à l’inverse, Vorhandenheit par “être à portée de la main” et Zuhandenheit par “être en main”.) Pour toutes ces raisons, il nous a donc semblé préférable de maintenir d’abord la clarté de la distinction et de partir du lexique établi par les premiers traducteurs d’Être et Temps. » (NT: J.-F. COURTINE, avertissement à sa trad. fr. de M. Heidegger, Les Problèmes fondamentaux de la phénoménologie (= G.A., t. XXIV), 1985, p. 12-13, évoquant notre propre avertissement à la trad. fr. de M. Heidegger. Interprétation phénoménologique de la Critique de la raison pure de Kant (= G.A., t. XXV), 1982, p. 11-13. On note l’absence de toute référence à S.u.Z.).
Trompé par les dehors « modérés » de ce développement, un lecteur inexpérimenté pourrait être tenté d’y voir un modèle de pondération et de tranquille recherche de la vérité. Soit à montrer au contraire que ce n’est rien d’autre qui se donne ici libre cours que le dogmatisme du sens commun, lequel, lorsqu’il s’agit plus précisément de philologie, ne manque jamais de militer pour la solution la plus réactionnaire. Ce que nous ferons en alignant trois séries de courtes remarques, les unes 1/ déontologiques, les autres 2/ littérales, les dernières 3/ plus fondamentales :
1/ a) Que l’on me cherche querelle pour mieux se singulariser, c’est la « bonne coutume », et, quoique ce ne soit nullement la mienne, je suis le dernier à l’ignorer. Simplement, le jour où il s’en avisera à son tour, J.-F. Courtine, du même coup, prendra conscience qu’en sacrifiant à de tels rites, il a surtout sacrifié sans aucun motif sérieux (comme on verra dans un instant) l’unité de la « troisième génération » des traductions françaises de Heidegger.
b) Il n’y a aucun argument à tirer contre moi de la traduction par F. Fédier de Temps et Être, et voici pourquoi : cette traduction, parue dans les Mélanges J. Beaufret, remonte à 1968 (NT: Cf. L’Endurance de la pensée, Pour saluer J. Beaufret, 1968, p. 29.), et c’est bien après cette date que Fédier s’est rallié à la solution que je lui dois. Ainsi, loin que la nuance qui nous occupe soit elle-même « flottante », c’est Fédier lui-même qui, avant d’y arriver, a « flotté », ce qui est tout à son honneur. Comme c’est par exemple tout à l’honneur de Heidegger que d’avoir flotté un long moment ainsi que je le disais plus haut, entre les mots Entdecktheit et Erschlossenheit.
c) N’est-il pas saisissant de voir J.-F. Courtine, au terme de toutes ses argumentations, en revenir si régulièrement au système français de BW : car non content de « restaurer » le binôme « subsistant-disponible », nous voyons par d’autres parties de sa traduction, ou de son apparat, qu’il maintient des transpositions aussi caduques que « déchéance » voire « chute » pour Verfallen ou « finalité » pour Bewandtnis. Je pose la question de principe : qui professe un tel archaïsme philologique, pourtant clairement réfuté par la notoire illisibilité de la demi-traduction de 1964, est-il vraiment en position de donner, vingt ans après, des leçons ?
2/ a) J.-F. Courtine, donc, traduit vorhanden par « présent (NT: A ce mot « présent », je n’ai évidemment rien à objecter, sinon que, 1/ en tant que traduction de Vorhanden, il ne peut prétendre restituer que le sens allemand ordinaire — donc absolument confus — de ce terme, et que, 2/ en lui-même, il est trop plurivoque pour être éclairant.), présent-subsistant » et zuhanden par « sous-la-main, à-portée-de-la-main, disponible ». Mais, avant d’évoquer le fond du problème, me permettra-t-on de rappeler que ces termes français correspondent de la façon la plus directe à de tout autres mots allemands que ceux qui nous divisent : présent, par exemple, c’est anwesend ou gegenwärtig, subsistant, c’est bestehend, et disponible, c’est verfügbar, etc. Ne suffit-il pas d’évoquer ces correspondances — requises par certains contextes chez Heidegger lui-même — pour révoquer en doute la « clarté » du système qu’on nous oppose ?
b) Mais il y a plus, il y a la « francité » des termes cités. Car que veut dire, par exemple, disponible en français ? J.-F. Courtine nous affirme que la « disponibilité » serait « le mode d’être de l’outil ». Mais il n’en est rien ! — ou plutôt il n’en est vraiment plus rien dans le langage de notre temps, qui, que nous le voulions ou non, porte l’empreinte de la technique moderne. Parlant, par exemple, d’un téléphone « disponible » (ou même d’une femme « disponible »), est-ce vraiment à son « ustensilité » que ce langage fait référence ?
Nullement ! Ce qui est disponible, aujourd’hui, ce n’est point le marteau du menuisier, la clé du plombier, le lit de l’homme fatigué, c’est tout étant dans la mesure où il est (essentiellement) à la disposition généralisée de l’homme : ainsi par exemple du pétrole sous la terre, et même sous la mer, des masses humaines mobilisables, d’une « tranche horaire » dans un programme médiatique… En un mot, et malheureusement pour le dogmatisme courtinien, le disponible, faussant compagnie à l’outil, s’est résorbé lui-même dans… le subsistant dont il est fondamentalement synonyme. D’où je conclus qu’il est parfaitement ridicule de chercher à exprimer une « opposition » par des termes qui ont dès longtemps cessé de s’opposer, captés qu’ils sont désormais par l’unique horizon de ce que Heidegger appelle la Beständlichkeit, la disponibilité subsistante ou la subsistance disponible d’un stock, d’une « réserve » (NT: V. Par exemple une page lumineuse de Questions IV, 1976, p. 303-304 = Vier Seminare, Francfort, 1977, pp. 105-106, où H., en substance, explique comment l’être-sous-la-main des objets laisse la place à l’âge du stock, à une Beständlichkeit qui n’est plus tant Beständigkeit que Bestellbarkeit. — Du reste, J.-Fr. Courtine est bien embarrassé lorsque, à la p. (153) du Gr.d.Ph., H. parle d’un « vorhandenes Verfügbares », qu’il traduit par « sous-la-main, disponible » : mais je croyais, au vu de l’index à la traduction (p. 410), que « disponible » avait été réservé pour traduire zuhanden, ainsi d’ailleurs que « sous-la-main » lui-même ! Décidément, mes traductions « improbables » sont parfois assez plausibles ! 15 Je pense à Descartes, qualifiant quelque part la vérité de « transcendantalement claire ».).
c) D’autant que cette opposition, ou plus précisément l’opposition allemande qu’elle entend refléter, J.-F. Courtine a le front de la qualifier de « stricte et élémentaire » ou de « claire », tandis que serait seulement « possible », « improbable » ou « imperceptible » celle que je proposais. Or là réside, je le crains, le prôton pseudos. Car outre le fait que la nuance que j’établis entre « sous-la-main » et « à-portée-de-la-main » se veut justement « imperceptible », mais au sens de « délicate », il s’en faut que celle, originale, entre vorhanden ou zuhanden soit aussi perceptible qu’on le prétend ici, bien au contraire ! L’opposition qui est « stricte », « élémentaire », « claire », c’est, et c’est seulement celle — J.-F. Courtine, subrepticement, ne parle que d’elle — de la pratique et de la théorie. Elle est même si « métaphysiquement claire »15 que Heidegger n’a pas consacré moins de soixante ans à en mettre en question la clarté — et cela d’abord et avant tout en la rapportant à une autre opposition, pas du tout claire quant à elle, celle de la Zuhandenheit et de la Vorhandenheit… Voilà ce que je nommais du sens commun : la croyance que la philosophie en général et Heidegger en particulier est « clair ». Quand le sens commun déclare les philosophes « incompréhensibles » il est comique, quand il les prétend « clairs », il est ennuyeux — mais, dans un cas comme dans l’autre, il est lui-même, et c’est pourquoi il dit tantôt ceci, tantôt cela, voulant dire ici et là la même chose, à savoir qu’elle est autre chose que lui. Assurément !
3/ Mais il est temps d’en venir à nos trois remarques plus fondamentales. La première sera de méthode, la deuxième abordera — enfin — la chose même, la troisième amènera notre conclusion.
a) Vorhandenheit, écrit J. -F. Courtine, « explicite (je souligne) par exemple le concept kantien de Dasein ou l’existentia chez Suarez ». Or dans ce verbe « expliciter » il faut chercher, me semble-t-il, le deuteron pseudos, ou, en d’autres termes, la version méthodique de l’erreur de principe qui vient d’être dénoncée. En effet, prenons par exemple les mots existentia et Vorhandenheit. Il est licite, je crois, d’appeler l’un l’interpretandum, l’autre l’interpretans : ce qui revient à dire, en bonne logique, qu’il doit exister de l’un à l’autre un « passage », un « transport », une interprétation au sens étymologique du terme. Une interprétation et non pas, insistons-y, une simple « explicitation » ! Heidegger, ici, ne se borne nullement à « expliciter », c’est-à-dire à transposer « philologiquement » un mot latin (ou un mot allemand pré-phénoménologique) dans sa langue allemande à lui : il n’est pas un traducteur. S’il « transpose », c’est en trans-posant, s’il « explicite », c’est en ex-pliquant bref, s’il « interprète », c’est en inter-pr-étant, c’est-à-dire en déplaçant… Faute de se livrer à cette réflexion élémentaire, on s’expose à traiter Heidegger, lorsqu’il éclaircit la « langue » de la tradition ontologique, comme un vulgaire glossateur, simplement plus aigu que les autres. On voit donc quelle est ici notre réserve : tandis qu’il re-traduit (car c’est ici, selon son propre témoignage, d’une simple rétro-version qu’il s’agit) Vorhandenheit par « subsistance », J.-F. Courtine, loin de traduire Vorhandenheit en français, manifeste en réalité un refus caractérisé de traduire16 ; il cultive et répand l’illusion que Heidegger, avec ses propres « explicitations » allemandes, ne se soucierait que de refléter les notions qu’il « commente ».
Soit, pour prendre un exemple encore plus classique et plus clair, l’eidos platonicien. Et supposons que je le traduise — l’« explicite » — par le français « visage » ou l’allemand Gesicht. Aurai-je alors vraiment interprété ce concept ? Non : m’appuyant (certes à bon droit) sur le sens courant, préphilosophique, du grec eidos, j’aurai simplement rendu un écho, produit une image photographique de ce mot. Aussi bien, nous voyons que Heidegger, lorsqu’il élucide la pensée de Platon, ne s’en tient jamais à un décalque « correct » comme Gesicht. Durch das Richtige hindurch, in das Wahre : « à travers la simple rectitude, vers la vérité », telle est bien plutôt sa devise. Ce que fait Heidegger, c’est moins expliciter que traduire pensivement, interprétativement l’eidos platonicien, ce qui lui inspire des trans-positions comme Aussehen ou Aussicht.
Et ce qui vaut d’eidos ne vaut pas moins de tous les concepts métaphysiques dont il traite, y compris ceux qui, comme existentia ou Dasein au sens métaphysique, se sont presque « intégrés » aux langues « naturelles » modernes. Heidegger n’est pas un historiographe, un reporter de l’histoire de la philosophie, il est un penseur en débat avec d’autres penseurs qui, de surcroît, sait plus clairement qu’un autre que re-penser la pensée de ces « auteurs » ne consiste pas, ne peut consister à dire, fût-ce explicitativement la même chose qu’eux. Ainsi, c’est l’interprétation — et la pratique — heideggérienne de la notion même d’interprétation qui frappe d’interdit les rétroversions que l’on objecte à notre effort de… traduire, et, de deux choses l’une : ou bien Heidegger « interprète » l’existentia comme « subsistance », et alors il n’interprète pas vraiment, ou bien il interprète vraiment l’existentia lorsqu’il parle de Vorhandenheit, et alors ce n’est point en re-parlant germanistiquement de « subsistance » (NT: D’ailleurs le plus souvent, il ne traduit même pas ! Cf. Problèmes fondamentaux, trad. des p. (36-37),(43-45), etc., où le mot allemand est obstinément reproduit, et flanqué de « (subsistance) » entre parenthèses. Le lecteur « innocent » lui dira mieux que moi ce qu’il en pense. 17 Ce qui est aussi bien confirmé par les quelques passages de S.u.Z. — pour le citer enfin ! — où Vorhandenheit se trouve au voisinage d’un vocabulaire « substantiel » : ainsi, p.(153) : le Bestand est (seulement) un « mode d’être de l’être-sous-la-main » ; p. (318) : la substance est l’être-sous-la-main, mais dans l’horizon de la catégorie ; p. (96) et (98), à propos de Descartes : la substance est l’être-sous-la-main constant ; d’après la p.(183), ce serait plus précisément la « réalité » qui constituerait le nom traditionnel le plus « proche » — mais en même temps le plus voilant — de l’être-sous-la-main ; enfin la p.(7) aligne d’emblée cette série de termes non équivalents : « Dass-und Sosein, Realität, Vorhandenheit, Bestand, Geltung. Dasein (au sens métaphysique) es gibt ». Bref, pas moyen de le nier : « être-sous-la-main » (Vorhandenheit) est une notion non pas « signalétique », mais irréductible, qu’il faut donc traduire non moins irréductiblement. Je le disais du reste déjà dans deux notes à l’Interprétation phénoménologique (p. 40 et 43), que J.-F. Courtine signale bien (l.c., n.3), mais sans en tenir compte.), mais en déterminant celle-ci même, en son provenir, comme (par exemple) être-sous-la-main. « Être-sous-la-main » : une traduction qui, précisons-le, est également sous notre plume tout autre chose que — disait J.-F. Courtine — une « traduction-explicitation », à savoir, derechef, une interprétation « consciente et organisée ».
b) Sur cet être-sous-la-main, et notamment sur la différence « imperceptiblement » perceptible qui le sépare de l’être-à-portée-de-la-main, il semble donc qu’il faille une fois de plus revenir. J’y reviens. Non pas cependant en analysant des « idées » complexes, mais, à nouveau, en prenant un exemple niais :
Supposons que j’aie « toujours », en cas de besoin, un parapluie sur la banquette arrière de ma voiture, et demandons-nous, en nous rendant attentif au « naturel » (imperceptible) de notre langue, comment il conviendrait, selon son mode d’être, de nommer cet étant. Pour cela, on commencera évidemment par préciser descriptivement l’hypothèse : d’abord, comme beaucoup d’hommes d’aujourd’hui, je me sers plus souvent de ma voiture que de mes jambes : ce parapluie, cet outil est en tant que tel assez archaïque, il est presque un « souvenir » du temps où l’on « se promenait » de manière familiale, hygiénique ou « rêveuse », en un mot vraiment quotidienne ; ensuite, sous nos latitudes, il pleut assez rarement, et pas longtemps : nouvelle cause de « raréfaction » de l’outil en question, qui, pourtant, ne laisse pas de demeurer familier (certains commerces, « en crise », le vendent, et même ne vendent que lui) ; enfin, cet outil résiduel a en même temps ceci de propre — et doit sa survie au fait — qu’il s’inscrit dans un « complexe » dont font également partie le ciel et la terre : du coup, sa « mondialité » (Weltmässigkeit) est privilégiée, et ceci à tel point que, marquant le « temps » (la saison) il contribue indirectement à la constitution de l’intratemporalité, etc., etc.
On pourrait disserter longuement sur un parapluie. Tel n’est pas notre propos, mais, encore une fois, d’en nommer le mode d’être : Vorhandenheit ou Zuhandenheit ? Ou, pour préciser la question : à qui me presserait de « choisir », et de lui dire si ce parapluie d’usage intermittent m’est « sous la main » ou « à portée de la main », que répondrai-je en « bon français » ?
Eh bien, je lui dirai que je l’ai « toujours » sous la main, plutôt qu’à portée de la main. C’est ainsi, et pas autrement, que j’exprimerai comme il faut l’être d’un « outil » qui, le plus souvent, n’a pas son sens propre d’outil, mais « traîne » derrière moi à la façon d’un « objet » (au sens courant) ou d’un « ustensile ». Mais, parlant ainsi, je ne le réduirai pas pour autant à l’inertie absolue de la pierre du chemin, ou de la « chose » telle qu’objectivée par la science physique ; non — je me bornerai à le distinguer adéquatement de cette outilité pleine dont il est par ailleurs « en puissance » pour peu que tombe une seule goutte d’eau ; car que je doive sortir de la voiture et que cette goutte d’eau me chatouille le nez, et voici soudain qu’il « devient », de sous-la-main qu’il était, un étant à portée de ma main. Oui, à portée de la main comme est, par exemple, la truelle à portée de la main du maçon au travail. Du maçon qui, si on lui posait à propos de cette truelle notre « question-test », ne répondrait pas, je crois, quant à lui, qu’il a « toujours sa truelle sous la main », mais bel et bien qu’il l’a « toujours à portée de la main »… Car cette truelle, il n’en « dispose » pas « en cas de besoin », mais il en use au sein de ce que Heidegger appelle un Umgang, un « commerce » avec l’outil. Est-ce « clair » ? J’ai la faiblesse de le croire, sans pour autant avoir jamais affirmé que ce discernement allait de soi, qu’il était aveuglant ou indispensable — sans jamais avoir été « péremptoire » ni m’être mêlé de légiférer. J’avais cru bien faire en faisant profiter la traduction de Heidegger des efforts fructueux de François Fédier, un point, c’est tout. (ETEM)


1. ‘…von etwas Vorhandenem in seiner puren Vorhandenheit…’ The adjective ‘vorhanden’ means literally ‘before the hand’, but this signification has long since given way to others. In ordinary German usage it may, for instance, be applied to the stock of goods which a dealer has ‘on hand’, or to the ‘extant’ works of an author; and in earlier philosophical writing it could be used, like the word ‘Dasein’ itself, as a synonym for the Latin ‘existentia’. Heidegger, however, distinguishes quite sharply between ‘Dasein’ and ‘Vorhandenheit’, using the latter to designate a kind of Being which belongs to things other than Dasein. We shall translate ‘vorhanden’ as ‘present-at-hand’, and ‘Vorhandenheit’ as ‘presence-at-hand’. The reader must be careful not to confuse these expressions with our ‘presence’ (‘Anwesenheit’) and ‘the Present’ (‘die Gegenwart’), etc., or with a few other verbs and adjectives which we may find it convenient to translate by ‘present’. (BTMR)