Le temple de Zeus se dresse là, au fond d’une gorge crevassée. L’édifice embrasse la figure du dieu, et, en même temps, il la laisse ainsi émerger, à travers la colonnade ouverte, dans l’espace consacré. Dans le temple et par le temple, le dieu manifeste sa présence, et c’est ainsi seulement qu’il laisse le domaine s’étendre et se délimiter comme un domaine sacré. Bien loin que la pré-sence du dieu se perde dans l’indéterminé, c’est au contraire le temple qui, pour la première fois, joint et rassemble l’unité de ces rapports où s’ajointent la naissance et la mort, l’heur et le malheur, la victoire et l’humiliation, l’unicité et le déclin d’un peuple. L’unité régnante de ces rapports, nous l’appelons un monde. C’est au sein de celui-ci qu’un peuple, à chaque fois, accède à lui-même. Le temple comme oeuvre est le milieu ajointant de toutes les jointures de tout monde (Hw. 30-31). OOA1935: II
Plus proprement des oeuvres édifiées, sculptées, parlées se tiennent là en soi, et plus immédiatement elles sont le milieu du Dasein d’un peuple. Elles rassemblent toutes choses autour de soi et les libèrent en même temps à l’apérité de leur essence. OOA1935: II
Installation d’un monde, pro-duction de la terre sont les deux traits essentiels dans l’oeuvre. Ils ne sont point accidentellement accouplés, mais l’un requiert l’autre. Le monde que l’oeuvre ouvre en surgissant se tourne, en tant que milieu ajointant de tout décider qui sait, vers la terre et ne souffre rien d’indocile et de renfermé. Et la terre, que l’oeuvre, en produisant, laisse éclater, veut en son se-refermer être tout et tout enclore en soi. Mais c’est pour cela justement que la terre ne peut se passer du monde ouvert si elle doit elle-même apparaître dans le plein empressement de l’inclusion de toutes choses. Et le monde, à son tour, ne peut point s’envoler de la terre s’il doit, en tant que l’injonction qui ajointe et fait-signe, tenir tête à l’indocile. Le monde est vers la terre et la terre vers le monde. Ils sont en litige, et cela parce qu’ils s’appartiennent (Hw. 36-37). OOA1935: II
Mais qu’est-ce enfin que cela : commencer ? Réponse : faire le saut dans l’origine. Celle-ci n’est pas constituée par là, mais l’advenir de la vérité est enduré dans le fonder poétique. Or telle est l’essence du créer : capturer dans le projet en le supportant, soutenir le litige qui se lève dans l’oeuvre, in-sister dans le domaine insolite de la vérité nouvelle, faire le saut dans un milieu du Da-sein qui ne se détermine que dans le saut lui-même. Le créer ne se produit que dans la solitude d’une unicité singulière. Par elle, la vérité du Dasein historial d’un peuple est décidée. OOA1935: II