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Sein und Zeit

Être et temps : § 28. La tâche d’une analyse thématique de l’être-à…

Ser e Tempo

segunda-feira 11 de julho de 2011, por Cardoso de Castro

Vérsions hors-commerce:

MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

À son stade préparatoire, l’analytique existentiale a pour thème directeur la constitution fondamentale du Dasein  , l’être-au-monde. Son but prochain est le dégagement phénoménal de la structure unitaire originaire de l’être du Dasein, à partir duquel se déterminent ontologiquement ses possibilités et ses guises « d’être ». Jusqu’à maintenant, la caractérisation phénoménale de l’être-au-monde était dirigée vers le moment structurel du monde et la réponse à la question du qui de cet étant en sa quotidienneté. Cependant, dès notre [131] première caractérisation des tâches d’une analyse-fondamentale préparatoire du Dasein, nous avions donné une orientation anticipative sur l’être-à comme tel [1], et mis en évidence celui-ci d’après l’exemple concret de la connaissance du monde [2].

Cette anticipation, concernant ce moment structurel décisif du Dasein, procédait de l’intention   d’englober dès le départ l’analyse des moments singuliers dans une perspective constante sur le tout structurel, et ainsi d’empêcher tout éclatement ou toute pulvérisation de l’unité du phénomène. Or ce qui s’impose maintenant, c’est, sans préjudice pour ce qui a été acquis dans l’analyse concrète du monde et du qui, d’infléchir à nouveau l’interprétation en direction du phénomène de l’être-à. La considération plus pénétrante de celui-ci n’est cependant pas simplement destinée à soumettre de nouveau, et de manière plus assurée, la totalité structurelle de l’être-au-monde au regard phénoménologique, mais aussi à frayer la voie à la saisie de l’être originaire du Dasein lui-même, le souci.

Mais, par-delà les rapports essentiels que nous avons appelés l’être-auprès du monde (préoccupation), l’être-avec (sollicitude) et l’être-Soi-même (qui), qu’est-ce qu’il peut bien rester à mettre en évidence dans l’être-au-monde ? La possibilité demeure, en tout état de cause, de déployer dans toute son ampleur l’analyse antérieure en procédant à une caractéristique comparée des modifications de la préoccupation et de sa circon-spection, ainsi que de la sollicitude et de son égard, et de dissocier, grâce à une explication plus aiguë de l’être de tout étant intramondain possible, le Dasein par rapport à tout étant qui n’est pas à la mesure du Dasein. Sans aucun doute possible, bien des tâches sont encore à accomplir dans cette direction. À bien des égards, nos résultats précédents appellent des compléments en vue d’une élaboration complète de l’a priori   existential de l’anthropologie   philosophique. Et pourtant, tel n’est pas le but de la présente recherche. Son intention est fondamental-ontologique. Si, par conséquent, nous nous enquérons thématiquement de l’être-à, assurément ce ne peut être avec le dessein d’annuler l’originarité du phénomène en le dérivant d’autres phénomènes, autrement dit de le soumettre à une analyse inadéquate au sens d’une dissolution. Néanmoins, l’indérivabilité d’un phénomène originaire n’exclut nullement qu’il ne soit constitué par une multiplicité de caractères d’être. Que de tels caractères se montrent, et ils seront alors existentialement cooriginaires. Le phénomène de la cooriginarité des moments constitutifs a souvent échappé à l’ontologie  , en raison d’une tendance méthodiquement non réfrénée à faire provenir tout et n’importe quoi d’un « fondement originel » simple.

[132] Dans quelle direction devons-nous alors tourner nos regards pour caractériser phénoménalement l’être-à comme tel ? Pour répondre à cette question, nous n’aurons qu’à nous rappeler la donnée fondamentale que nous avions confiée au regard phénoménologique lors de notre première indication du phénomène : l’être-à par opposition à l’intériorité sous-la-main d’un étant sous-la-main « dans » un autre ; l’être-à considéré non pas comme une propriété d’un sujet sous-la-main, produite ou même simplement suscitée par l’être-sous-la-main du « monde », mais bien plutôt comme un mode d’être essentiel de cet étant lui-même. Mais, dira-t-on, qu’est-ce d’autre qui se présente avec ce phénomène sinon le commercium sous-la-main entre un sujet sous-la-main et un objet sous-la-main ? En fait, pareille interprétation se rapprocherait peut-être davantage de la réalité phénoménale si elle disait : le Dasein est l’être de cet « entre », ce qui n’empêche que l’orientation sur un tel « entre » menacerait quand même de nous égarer. En effet, cette orientation ne laisse pas de poser, de manière aussi indéterminée qu’inconsidérée, les deux étants entre lesquels cet entre-deux « est » comme tel. L’entre-deux est déjà conçu comme résultat de la convenientia   de deux sous-la-main. Seulement, cette position préalable de ces termes fait toujours déjà éclater le phénomène et annule toute chance de le re-composer à partit de ses éclats. Non seulement le « ciment » fait défaut pour cela, mais encore le « schème » conformément auquel le réajointement en question doit s’accomplir a lui-même éclaté, ou, plus précisément, il n’a jamais été auparavant dévoilé. Ce qui est ontologiquement décisif, c’est donc d’empêcher d’emblée l’éclatement du phénomène, c’est-à-dire d’assurer sa réalité phénoménale positive  . Or qu’il soit besoin à cet effet de tant de détours, cela atteste simplement que le mode traditionnel de traitement du « problème de la connaissance » a de bien des manières dénaturé ontologiquement, jusqu’à la rendre méconnaissable, une donnée qui allait ontiquement de soi.

L’étant qui est essentiellement constitué par l’être-au-monde est lui-même à chaque fois son « Là ». Suivant la signification familière des mots, le « là » fait référence à l’« ici » et au « là-bas ». Le « ici » d’un « Moi-ici » se comprend toujours à partir d’un « là-bas » à-portée-de-la-main, au sens de l’être é-loignant-orientant-préoccupé par ce là-bas. La spatialité existentiale du Dasein, qui lui détermine ainsi son « lieu », se fonde elle-même sur l’être-au-monde. Le là-bas est la déterminité d’un étant faisant encontre de manière intramondaine. « Ici » et « là-bas » ne sont possibles qu’en un « Là », c’est-à-dire pour autant que soit un étant qui, en tant qu’être du « Là », a ouvert de la spatialité. Cet étant porte, en son être le plus propre, le caractère de l’absence de fermeture [3]. L’expression « Là » désigne cette ouverture essentielle. Par celle-ci, cet étant (le Dasein) est « là » pour lui-même tout uniment avec l’être-là du monde.

L’expression ontiquement figurée de lumen naturale   dans l’homme ne vise rien d’autre [133] que la structure ontologico-existentiale selon laquelle cet étant est de telle manière qu’il est son là. Il est « éclairé », autrement dit : il est en lui-même éclairci comme être-au-monde - non point par un autre étant, mais de telle manière qu’il est lui-même l’éclaircie. C’est seulement pour un étant ainsi existentialement éclairci que du sous-la-main devient accessible dans la lumière, retiré dans les ténèbres. Le Dasein apporte nativement avec lui son Là ; privé de lui, non seulement il n’est pas facticement, mais encore il n’est absolument pas l’étant d’une telle essence. Le Dasein est son ouverture.

La constitution de cet être doit être dégagée. Mais dans la mesure où l’essence de cet étant est l’existence, la proposition existentiale : « le Dasein est son ouverture » signifie en même temps : l’être dont il y va pour cet étant en son être consiste à être son « Là ». Conformément à l’élan propre de l’analyse, il est donc besoin, en plus de la caractérisation de la constitution primaire de l’être de l’ouverture, d’une interprétation du mode d’être où cet étant est quotidiennement son là.

Ce chapitre, qui assume l’explication de l’être-à comme tel, c’est-à-dire de l’être du Là, se divise en deux parties : A. La constitution existentiale du Là. B. L’être quotidien du Là et l’échéance du Dasein.

Les deux guises constitutives cooriginaires d’être le Là, nous les découvrons dans l’affection et la compréhension ; leur analyse recevra à chaque fois la confirmation phénoménale qui lui est nécessaire de l’interprétation d’un mode concret et important pour la problématique ultérieure. L’affection et la compréhension sont cooriginairement déterminées par le parler.

Sous A (la constitution existentiale du Là), il sera donc traité des questions suivantes : Le Da-sein   comme affection (§29) ; la peur comme mode de l’affection (§30) ; le Da-sein comme compréhension (§31) ; comprendre et explicitation (§32) ; l’énoncé comme mode second de l’explicitation (§33) ; Da-sein, parler et parole (§34).

L’analyse des caractères d’être du DA-SEIN est existentiale. Ce qui veut dire que ces caractères ne sont pas des propriétés d’un sous-la-main, mais des guises essentiellement existentiales d’être. Leur mode d’être dans la quotidienneté doit donc être mis en évidence.

Sous B (l’être quotidien du Là et l’échéance du Dasein), seront analysés, conformément au phénomène constitutif du parler, de la vue incluse dans le comprendre et de l’explicitation [134] (interprétation) qui lui appartient, les modes existentiaux de l’être quotidien du Là que voici : le bavardage (§35), la curiosité (§36), l’équivoque (§37). Dans ces phénomènes se dégagera un mode fondamental de l’être du Là, que nous interprétons comme échéance, la « chute » en question manifestant une guise existentialement spécifique de mobilité (§38).


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]


§27<->§29


[1Cf. supra, §12, p. [52] sq.

[2Cf. supra, §13, p. [59-63].

[3Litt. le caractère de ce qui n’est pas verschlossen, c’est-à-dire « renfermé ». Tout comme erschlossen, ouvert, le mot s’applique surtout en allemand courant à un homme. Cf. supra, p. [75].